Archive pour août 2012

Le Nelligan d’André Gagnon et Michel Tremblay au Festival d’opéra de Québec : une musique toujours belle, une scénographie moins convaincante

mercredi 1 août 2012

1er août 2012
(No 2012-32)


Marc Hervieux (Nelligan vieux) et Dominique Côté (Nelligan jeune)
Photographie : Louise Leblanc, 2012

Comme lors de sa première édition de 2012, le Festival d’opéra de Québec mettait à l’affiche une œuvre lyrique hors norme et invitait les opéraphiles de la capitale nationale à une soirée lyrique dans le cadre plus intime de la salle Octave-Crémazie. Au Die Zauberflöte de Wolfang Amadeus Mozart devenu Une flûte enchantée dans l’adaptation de Peter Sellars succède cette année l’ « opéra romantique » Nelligan d’André Gagnon et Michel Tremblay.

En choisissant de reprendre la production présentée par l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal au Monument national en mars 2010, la direction du festival optait en quelque sorte pour une production clefs en main…avec les avantages et les inconvénients que cela peut comporter. Dans le cas particulier de Nelligan, l’avantage est sans contredit d’avoir pu compter sur les arrangements musicaux préparés pour l’atelier lyrique par Anthony Rozankovic et sur l’habile direction musicale de la pianiste Esther Gonthier. Cette dernière- à laquelle se joignaient la pianiste Louise DeLisle et la violoncelliste Carla Antoun–  a permis de constater que la musique d’André Gagnon est toujours belle et que l’œuvre compte parmi les plus magnifiques pages mélodiques composées au Québec dans les dernières décennies. La scénographie de Normand Chouinard est à inscrire dans la colonne des inconvénients car elle n’est guère convaincante. Si elle s’efforce de dépeindre la fatalité qui caractérise la vie de Nelligan, elle est souvent figée, voire empesée dans la mesure où elle ne réussit pas à tirer des interprètes le naturel et la spontanéité qui devraient caractériser leur jeu. L’illustre éloquemment ce statut de spectateur qu’impose notamment le metteur en scène à Nelligan vieux pendant la majeure partie du spectacle et le supplice qui est ainsi réservé à un Marc Hervieux qui doit- le dos courbé- se traîner les pieds pendant près de deux heures. Quelques autres détails agacent, qu’il s’agisse de ce va-et-vient des lits de l’Hôpital de Sain-Jean-de-Dieu, de la scène d’église où le jeune Nelligan se gave d’hosties après son larcin blasphématoire et ces petits lumières qui, lors de leur descente dans la scène qui nous ramène à l’hôpital avec le vieux Nelligan, font un bruit qui pollue la musique de Gagnon.

La distribution du Nelligan du Festival d’opéra de Québec compte quelques bonnes voix. Pour cette troisième production de Nelligan à laquelle il prend part, le baryton Dominique Côté– dont la ressemblance physique avec le vrai Nelligan est frappante- se distingue et offre une prestation vocale de qualité. Si la voix semble accuser à l’occasion d’une certaine fatigue, le ténor  Marc Hervieux fait honneur à la partition d’André Gagnon et interprète l’air Le Vaisseau d’or avec l’émotion qui s’impose.  L’interprétation du très bel air L’indifférence par la soprano Chantal Dionne constitue par ailleurs l’un des plus beaux moments de l’opéra. Et l’Eva Nelligan de Pascale Beaudin démontre à nouveau le talent de cette artiste lyrique dont le jeu dramatique est également digne de mention. Dans le modeste rôle de Gertrude, l’autre sœur d’Émile Nelligan, la soprano Valérie Bélanger se tire bien d’affaire. Les prestations de la soprano Monique Pagé et du baryton Ted Baerg qui incarnent respectivement les rôles de la mère et du père d’Émile Nelligan n’émeuvent pas comme elles le devraient et celles des amis du poète, le Charles Gill du ténor Jacques-Olivier Chartier et l’Arthur Buissières du ténor Patrick Mallette, ne satisfont les exigences vocales de la partition. Quant au père Eugène Sears de Pierre Rancourt, le baryton connaît- comme cela avait le cas lors de la production de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal- un problème de plafonnement dans le registre aigu.

L’opéra romantique Nelliganque d’aucuns préfèrent présenter comme une comédie musicale- le qualificatif de tragédie musicale serait sans doute plus approprié – continue de connaître un succès d’estime auprès du public. Les mélomanes qui étaient à la salle Octave-Crémazie le mercredi 31 juillet 2012 ont réservé un accueil chaleureux aux artistes de cette production et celle-ci suscite un intérêt tel que la direction du Festival a dû prévoir une supplémentaire le vendredi 3 août à 20 h. Elle s’ajoute aux représentations prévues pour le jeudi 2 août et le samedi 4 août.

La Société d’art lyrique du Royaume et ses deuxièmes Destinations lyriques de 2012

Je vous rappelle par ailleurs que la Société d’art lyrique du Royaume (SALR) propose un deuxième concert pour ses Destinations lyriques le jeudi 2 août 2012. Sur le thème « Douce France et Éternelle Broadway », les mélomanes pourront notamment entendre des airs des comédies musicales CatsLa Mélodie du bonheur et Le Fantôme de l’Opéra. Ceux-ci seront interprétés par les sopranos Karine Côté et Aude Gauthier-Morel ainsi que par le ténor Richard-­Nicolas Villeneuve. Leur accompagnateur sera le pianiste Dominic Boulianne. Ce concert se déroulera au Jardin des Vestiges de La Pulperie de Chicoutimi à compter de 20 h 30.

Je serai de retour samedi matin avec un commentaire du « proto-opéra » Le jeu de Robin et de Marion d’Adam de la Halles auquel j’assisterai le jeudi 2 août 2012 ainsi que mes vues sur le concert Musique en plein air que j’ai pu entendre hier et les prestations de la Brigade lyrique qu’aurai écoutées d’ici là.

Bonne suite de festival !