Opéra Piccola : la renaissance du théâtre lyrique et musical à Montréal

27 août 2011
(N° 2011-34)

Alexander Dobson, Mariateresa Magisano et Luc Robert
Photographie : Pierre-Étienne Bergeron ©
(Alain Labonté commuications)

Comme je l’avais annoncé dans les numéros précédents du blogue lyrique (No 2011-19 (7 mai 2011) et No 2011-33 (8 août 2011), la nouvelle compagnie lyrique montréalaise Opéra Piccola entreprenait ses activités jeudi le 25 août par la présentation d’un Grand concert inaugural. Après une courte cérémonie protocolaire menée avec célérité, intelligence et humour par la co-fondatrice d’Opéra Piccola Anne-Marie Trahan, les opéraphiles qui avaient rempli le magnifique Théâtre Outremont ont eu droit à une agréable soirée lyrique.

La première partie était consacrée à des œuvres populaires du répertoire d’opéra, de Rigoletto à Madama Butterfly en passant par Carmen et La Bohème. La  seconde partie proposait essentiellement à des airs d’opérette et a permis d’entendre notamment des extraits de La Chauve-souris de Johann Strauss, de La belle Hélène de Jacques Offenbach, de The Pirates of Penzance de William Gilbert & Arthur Sullivan et de La Veuve joyeuse de Franz Lehár.

Dans l’ensemble les prestations vocales ont été à la hauteur et j’ai particulièrement apprécié celle de la soprano Mariateresa Magisano que le nouveau directeur artistique Taras Kulich a fait découvrir au public montréalais. Son interprétation de l’air Belle nuit, ô nuit d’amour tiré de l’opéra Les Contes d’Hoffman de Jacques Offenbach a révélé une belle maîtrise du geste vocal et une diction française impeccable. Cette maîtrise est confirmée dans l’air On my lips Every Kiss is like wine de l’opérette Giudetta de Franz Lehár. Le baryton Alexander Dobson brille quant à lui par son jeu théâtral, en particulier dans la chanson Oh ! Better Far to live and Die, de Gilbert & Sullivan où il est un roi-pirate plus que crédible. Son Don Giovanni est également très convaincant et sa prestation dans la belle sérénade Deh ! Vieni alla finestre rend justice à la partition de Mozart. Le ténor Luc Robert s’est vu confier un programme exigeant et, si la voix semble parfois trop tendue, il offre une belle prestation de La Fleur que tu m’avais jetée de Carmen de Georges Bizet. Elle lui vaut d’ailleurs des applaudissements nourris de l’auditoire. Appelée à remplacer la soprano Julie Boulianne souffrant d’une pharyngite, la mezzo-soprano Julie Nesrallah – connue également comme l’animatrice de l’émission Tempo sur CBC-Radio 2- a également choisi un air de Carmen et son interprétation du célébrissime Habanera L’amour est un oiseau rebelle est impeccable au plan dramatique. Mais sous l’angle vocal, le son est un peu sourd. Elle réussit davantage sous cet angle le cabaret song Amor du compositeur américain William Bolcom et ses prestations dans les pièces d’ensemble, et notamment dans le trio Tous les trois réunis de La fille du régiment de Gaetano Donizetti, sont de qualité. L’accompagnement musical de l’Ensemble QAT, placé sous la direction d’Esther Gonthier, est à la hauteur, mais leur talent de choristes auquel il a été a fait appel en première partie du concert laisse un peu à désirer. Le choix du metteur en scène Alain Gauthier de faire circuler les personnages entre plusieurs rangées de chaises disposés sur la scène du Théâtre Outremont a fort bien servi quelques pièces du programme, mais aurait sans doute pu être repensé pour la deuxième partie du spectacle. La mise en lumière d’Anne-Catherine Simard-Desrape contribue quant à elle à créer de beaux atmosphères tout au long du concert et elle réussit à mettre ainsi en valeur la salle à ornementation art déco qu’est ce bel élément de notre patrimoine culturel qu’est le Théâtre Outremont et à qui cette nouvelle vocation lyrique sied fort bien.

Au terme de ce concert inaugural d’Opéra Piccola, j’avais le sentiment d’avoir assisté à bien des égards au début d’une renaissance du théâtre lyrique et musical à Montréal. Taras Kulich m’a dit vouloir faire apprécier un répertoire qui ne s’est pas vu donner la place qu’il mérite dans la vie lyrique de la métropole. Redonner ainsi droit de cité à l’opérette est un objectif plus que louable et devrait susciter l’intérêt de nouvelles générations de lyricomanes. Sous la direction de Lionel Daunais et Charles Goulet et durant la période s’étendant de 1936 à 1955, les Variétés lyriques avaient produit 102 opérettes et 15 opéras et les Nouvelles variétés lyriques, fondées par Bruno Laplante, avaient présenté 30 ans plus tard, de 1986 à 1988, Orphée aux enfers et La Vie parisienne de Jacques Offenbach ainsi qu’Une nuit à Venise de Johann Strauss. Ce répertoire, qui est d’ailleurs riche en œuvre de langue française, mérite d’être redécouvert et je crois qu’Opéra Piccola pourra se distinguer au sein des institutions lyriques si elle choisit de privilégier un créneau que Taras Kulich présente comme étant celui du petit opéra (Michel Joanny- Furtin, « Opéra Piccola : le grand soir du petit opéra », L’Express d’Outremont, 17 août 2011).

Le Théâtre Outremont, qui est appelé à devenir la résidence d’Opéra Piccola, est par ailleurs un lieu idéal pour cette forme lyrique et je suis avec le directeur Kulich selon qui « [l]a proximité du public est importante pour qu’il voit la performance physique du chanteur, comment il prend l’air, comment son corps résonne, comment la voix s’extrait de cet instrument qu’est le corps humain… Bref, l’acoustique, ce n’est pas qu’une question de cordes vocales et notre formule permettra au public de ressentir tout cela » (ibid..). Il est donc à espérer qu’Opéra Piccola offre dès sa prochaine saison une première production et donne aussi l’occasion à la nouvelle génération d’artistes lyriques du Québec de se distinguer au théâtre… lyrique et musical !

Et je suggère à ceux et celles qui aiment l’art lyrique, et qui n’ont pas pu faire acte de présence à la première représentation du Grand concert inaugural d’Opéra Piccola, d’assister à la seconde représentation qui aura lieu ce soir à 20 h. Les billets peuvent être achetés en téléphonant à la billetterie du Théâtre Outremont au 514-495-9944 ou en se rendant au théâtre situé au 1248, avenue Bernard Ouest Montréal H2V 2V6 d’ici 21 h. On peut également se procurer des billets par la voie électronique sur le site du réseau Admission à l’adresse www.admission.com.

Et longue vie à…

!

* Vous pourrez par ailleurs lire deux critiques du grand concert inaugural sous la plume de Claude Gingras, « Opéra- Piccola quelque chose », La Presse, 27 août 2011, p. AS-17 et de Wah Keung Chan, « Opera Piccola- New Company brings rare talent to Montreal », The Gazette, 27 août 2011, p. E-9.

Je serai de retour la semaine prochaine pour présenter un bilan de l’été lyrique au Québec qui se poursuit par ailleurs avec quelques concerts donnés par l’Atelier lyrique de Chambly et le Theatre of Early Music ainsi qu’à l’occasion de La Fête de la musique de Tremblant et du Festival Rythmes Saveurs de Saint-Donat..et par La brigade lyrique à Expo-Québec.

Pour des détails relatifs à ces concerts, je vous invite à consulter la dernière version mise à jour du Calendrier des activités lyriques au Québec (Été 2011) en cliquant ici. J’y ai inclus des informations sur les premières diffusions de la 17e saison de la série Opéramania que le musicologue Michel Veilleux a inaugurée hier le 26 août à l’Université de Montréal avec Le Nozze di Figaro dans une production de 2006 du Covent Garden de Londres. La série se poursuivra le 2 septembre avec la projection de Carmen de Georges Bizet et continuera pendant toute prochaine saison, avec des projections également aux campus de Laval et de Longueuil.

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