Le 200e numéro du blogue lyrique et un projet de magazine québécois d’art lyrique, Porgy and Bess à l’Opéra de Montréal et un commentaire de Juditha Triumphans par Guy Marchand

25  janvier 2014
(No 2014-03)


Measha Brueggergosman
et Kenneth Overtone
Porgy and Bess de George Gerschwin
Opéra de Montréal, 2014
Photographie : © Yves Renaud

Vous vous préparez à lire  le 200e numéro de mon blogue lyrique ! C’est le 16 janvier 2010 que je diffusais le premier numéro de ce blogue que je présentais alors comme « un outil d’information sur la vie lyrique d’ici et d’ailleurs et un instrument de communication, d’échange et de dialogue avec toutes les personnes qui se passionnent pour l’art total qu’est l’opéra ». J’ajoutais : « L’opéra a le vent dans les voiles au Québec ! L’année 2009 a été une année faste pour l’art lyrique d’ici, comme en témoignent l’annonce de la création du nouveau Festival international d’opéra de Québec, la création de l’opéra féérie de Gilles Tremblay et l’entrée remarquée des chefs Bernard Labadie et Yannick Nézet-Séguin au Metropolitan Opera de New York, sans parler du triomphe de la mise en scène par Robert Lepage du Rossignol d’Igor Stravinsky à la Canadian Opera Company de Toronto.

Et l’opéra a toujours le vent dans les voiles au Québec! Nos compagnies lyriques québécoises se portent bien et l’annonce de la production, à guichets fermés, de Porgy and Bess dont la première a eu lieu ce soir à l’Opéra de Montréal en est une nouvelle illustration. Depuis 2010, nous avons aussi connu trois éditions fort réussies du Festival d’opéra de Québec. Plusieurs de nos artistes lyriques se distinguent sur la scène internationale, qu’il s’agisse d’interprètes d’expérience comme Karina Gauvin, Jean-François Lapointe, Michèle Losier ou Marie-Nicole Lemieux ou ceux et celles de la nouvelle génération comme Frédéric Antoun, Juilie Boulianne, Étienne Dupuis, Antonio Figueora, Marianne Fiset, Hélène Guilmette, Marie-Ève Munger, Karine Boucher, Andréanne Paquin ou Florie Valiquette. Et que dire de nos metteurs en scène et scénographes André Barbe et Renaud Doucet ainsi que François Girard dont le travail fait l’objet des plus grands éloges, mais aussi d’Alain Gauthier dont les dernières mises en scène au Québec ont été également très appréciées. Et nos chefs québécois se font remarquer de plus en plaus dans les théâtres lyriques de la planète : Yannick Nézet-Séguin a repris sa baguette  pour diriger Rusalka au Metropolitan Opera de New York cette semaine, alors que Jacques Lacombe es invité régulièrement au Deutsche Oper de Berlin et assurera la direction musicale de l’opéra Le roi Arthus à l’Opéra national du Rhin dans quelques semaines.

Pour donner à ces artistes une nouvelle vitrine, faire honneur à leur talent et souligner de leur rayonnement international, j’envisage maintenant de créer un magazine lyrique. Une équipe à la fois jeune et expérimentée a été constituée pour mettre en oeuvre un projet de publication lyrique d’envergure. Le comité provisoire de rédaction de L’Opéra- Le magazine québécois d’art lyrique s’est réuni à plusieurs reprises et fera connaître en mars prochain son plan d’action. Un appel sera lancé pour des collaborations et tout le milieu lyrique sera sollicité pour contribuer à la réussite de ce projet. Une invitation vous est d’ores et déjà faite à vous, lecteurs et lectrices du blogue lyrique, de participer à cette aventure et à offrir vos services pour rédiger des textes qui prendront la forme d’actualités, dossiers, entretiens, portraits, annales, critiques et recensions…lyriques ! Vous pouvez m’écrire pour me faire connaître votre intérêt à l’adresse d@nielturpqc.org.

Un Porgy and Bess, à guichets fermés, à l’Opéra de Montréal

Pour sa troisième production de la saison 2013-2014, l’Opéra de Montréal fait entrer à son répertoire Porgy and Bess de George Gershwin. Premier opéra à intégrer le jazz, ce chef-d’œuvre du XXe siècle raconte des histoires d’amour et de mort dont l’action se déroule à Charleston en Caroline du Sud. Créé en 1935, l’opéra est connu en raison de la succession de belles mélodies, qu’il s’agisse de Summertime ou de My man’s gone now.  Il est intéressant de  noter que George Gershwin et ses librettistes ont exigé explicitement que la distribution soit composée de chanteurs noirs de façon à éviter le côté caricatural que provoqueraient les maquillages des chanteurs blancs. Et la Tams Witmark Library de New York, qui détient la licence et représente la famille Gerschwin, s’assure encore aujourd’hui du respect de cette volonté. L’Opéra de Montréal donne suite à cette demande et fait appel au baryton américain Kenneth Overton dans le rôle de Porgy et à la soprano canadienne Measha Brueggergosman dans celui de Bess. La soprano québécoise Marie-Josée Lord fait son retour sur la scène de la salle Wilfrid-Pelletier et incarnera le personnage de Serena. La distribution comprend également Chantale Nurse (Clara), Lester Lynch (Crown), Jermaine Smith (Sportin’ Life), Larry D. Hylton (Robbins), Michael Preacely (Jake) et Catherine Daniel (Maria).

Pour son unique présence de la saison à l’Opéra de Montréal, l’Orchestre symphonique de Montréal sera sous la direction du chef Wayne Marshall qui était dans la fosse l’année dernière pour Dead Man Walking. Les chœurs de l’Opéra de Montréal cèdent leur place au Montreal Jubilation Gospel Choir préparé par leur chef fondateur Trevor W. Payne. La mise en scène sera de Lemuel Wade, les décors de Ken Foy, les costumes de Judy Dearing, les éclairages d’Anne-Catherine Simard-Deraspe et les effets sonores de Steven Canyon Kennedy. Il s’agit d’une coproduction de l’Opéra de Montréal, et des opéras de Cleveland, Dallas, Florida Grand, Houston Grand, Los Angeles Music Center, Portland, San Diego, San Francisco, en association avec The Orange County Performing Arts Center.

Cette coproduction prend l’affiche à la salle Wilfrid-Pelletier ce soir à 19 h 30 et quatre autres représentations sont prévues à la même heure pour les 28, 30 janvier et 1er février 2014 ainsi que la supplémentaire du lundi 3 février. Ces cinq représentations affichent déjà complet et les opéraphiles qui ont eu l’imprudence de ne pas s’abonner et de ne pas retenir des places pourront toujours se présenter au foyer de la salle Wilfrid-Pelletier et espérer y trouver une personne qui, comme celle-ci, aura des billets à vendre…ou mieux encore à donner !

Pour en savoir plus long sur l’opéra de Gerschwin et la production de l’Opéra de Montréal à laquelle j’assisterai ce soir, je vous invite à lire l’article que lui consacre le critique musical Christophe Huss du journal Le Devoir et publié dans l’édition de ce matin sous le titre « La vraie nature de Bess : le grand opéra américain signé Gerscwin aura mis des années avant de s’épanouir dans sa totalité ». Vous pouvez également prendre connaissance du texte paru en page 10 ARTS  de La Presse ce matin, signé par Daniel Lemay et intitulé « OPÉRA- Porgy and Bess- L’émotion avant la couleur » ainsi que l’article d’Arthur Kaptainis, « Porgy and bess is already a success » que vous pouvez consulter dans The Gazette. Un court extrait vidéo (02 : 24) de la répétition générale de la production de la compagnie lyrique montréalaise accompagne ce dernier article.

La 17e édition du Gala des Prix Opus…et des lauréats et lauréates lyriques à venir!

La 17e édition du Gala des Prix Opus du Conseil québécois de la musique aura lieu le dimanche 26 janvier 2014 à 15 h à la salle Bourgie du Musée des Beaux-Arts de Montréal. J’y serai présent et vous présenterai les lauréats et lauréats lyriques de cet événement qui rassemble le très dynamique milieu québécois de la musique de concert. Pour une liste des finalistes lyriques des Prix Opus de cette année, vous pouvez consulter le blogue lyrique du 7 décembre 2013 (No 2013-48) en cliquant ici.

A Midsummer Night’s Dream de Benjamin Britten par Opera McGill

Opera McGill prolonge l’anniversaire de Benjamin Britten en présentant A Midsummer Night’s Dream à la salle Pollack le 29 janvier 2014 à 19 h 30. Les autres représentations auront lieu à la même heure le 30, 31 janvier et samedi 1er février 2014. La mise en scène est assurée par Patrick Hansen, directeur de l’atelier d’opéra. L’Orchestre symphonique de McGill sera dirigé par Andrew Bisantz. Une conférence pré-concert avec Patrick Hansen et Andrew Bisantz est prévue avant chaque représentation à 18 h 30. Pour un aperçu du processus de création de cette nouvelle production d’Opera McGill, vous pouvez cliquer ici. Ce concert sera d’ailleurs diffusé en direct sur le site d’Opera McGill  ici.

La Création de Joseph Haydn par le Chœur classique de Montréal

Le Choeur classique de Montréal interprétera La Création de Joseph Haydn le samedi 1er février à 19 h 30 à l’église Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Accompagnant les solistes Roseline Lambert et Andréanne B. Paquin, sopranos, Jacques Olivier Chartier, ténor, Dion Mazerolle, baryton, Desmond Byrne, basse, et de l’ensemble Sinfonia de Montréal, le chœur sera dirigé par son chef Louis Lavigueur.

Un commentaire de Guy Marchand sur première montréalaise de Juditha Triumphans

Le musicologue Guy Marchand a rédigé, à ma demande, un commentaire de la  première montréalaise de l’oratorio Juditha Triumphans d’Antonio Vivaldi par l’Ensemble Caprice dirigé par Mathias Maute. Je le présente ci-après :

Avant tout, il faut remercier chaleureusement l’Ensemble Caprice et son chef Matthias Maute ainsi qu’Isolde Lagacé, directrice artistique de la Fondation Arte Musica, de nous avoir enfin permis d’entendre le samedi 18 janvier 2014 en concert à Montréal, presque trois siècles après sa création, l’oratorio Juditha Triumphans d’Antonio Vivaldi qu’il ne faut pas hésiter à considérer comme l’un des chefs-d’œuvre du genre, à l’égal des plus belles réussites d’Haendel. Sur le plan vocal, on y retrouve non seulement le sens innée de la belle mélodie et de la virtuosité transcendante qui caractérise le style tant lyrique que concertant de Vivaldi, mais aussi, ce qui est plus inusité, une palette orchestrale d’une richesse inhabituelle dans son œuvre lyrique.

Créé en 1716, cet oratorio fut commandé pour célébrer la reprise par Venise de la forteresse stratégique de Corfu, que les Ottomans lui avait ravie, et la première eut lieu en présence de l’état major de l’armée victorieuse et de tous les dignitaires de la Sérénissime. Pour souligner cette victoire de manière emblématique, le librettiste Giacomo Cassetti choisit le célèbre récit biblique de Judith et Holopherne. Tiré de l’Ancien Testament, il raconte comment, alors que la ville judéenne de Béthulie était assiégée par les Assyriens, une veuve de la ville du nom de Judith réussit à mener à bien un plan qu’elle avait conçu pour occire Holopherne, le général de l’armée ennemie. Après s’être laissée prendre et feint d’être tombée sous le charme de son tout-puissant geôlier (ce que l’on appelle aujourd’hui le syndrome de Stockholm), cette Judith ne comptait rien de moins que de lui trancher la tête dans son sommeil après l’avoir enivré de ses sens et de bon vin, et ramener cette tête comme preuve aux autorités de sa ville comme preuve de leur libération.

Pour être certain qu’on ne manque pas de faire le rapprochement avec la libération de Corfu, Cassetti mit en avant-propos de son livret, que l’on avait selon l’habitude de l’époque distribué avant la première, un bref poème établissant explicitement que Judith représentait la ville de Venise ; sa servante Abra, la foi chrétienne ; Holopherne, le Sultan ottoman ; et son intendant Vagaus, probablement le général ottoman défait lors de la bataille de Corfu. De plus, Cassetti voyait dans la ville de Béthulie une allégorie de l’Église et dans son gouverneur Ozias, (un cinquième et dernier personnage qui n’intervient qu’au début et à la fin de la 2e partie), nul autre que le pape.

C’est à Vivaldi et aux musiciennes de l’Orphelinat de la Pièta, dont il avait la charge depuis plus de dix ans, que fut confiée la musique. Au fil des ans, Vivaldi avait monté à l’orphelinat une collection d’instruments des plus diversifiés. Il fut l’un des premiers en Italie à acquérir une famille de chalumeaux, ancêtres des clarinettes, ou encore un consort complet de viola all’inglese, violes de gambe anglaises munies, sous le premier jeu de cordes en boyau, d’un second métallique vibrant par sympathie. Il développa chez les filles de la Piéta une polyvalence que l’on retrouve rarement aujourd’hui et composa pour elles toute une collection de concerti con molti strumenti, dont certains sont parmi les plus séduisants et connus de son œuvre concertante.

Alors qu’à l’opéra les contraintes budgétaires de productions l’obligeait à se limiter essentiellement à un ensemble de cordes, tout au plus renforcé par un trio de deux hautbois et un basson, lorsqu’on lui demanda d’écrire un oratorio pour ses jeunes musiciennes, il se retrouva devant la possibilité d’utiliser un très riche instrumentarium, dont la « magnificence » fut qualifiée par le musicologue Michael Talbot (l’auteur des notes de l’enregistrement du King’s Consort et directeur de la revue Studi Vivaldiani) – le croirez-vous ? – « d’ostentatoire » (ostentatious)…

Chacun de ces instruments inusités n’est cependant utilisé qu’une fois dans tel ou tel air, mais à chaque fois il ajoute une touche musicale et poétique qui renouvelle l’intérêt de l’auditeur. C’est sans doute les deux trompettes et timbales qui se joignent à tout l’orchestre pour la bravade martiale et le triomphe final des chœurs d’ouverture et de conclusion qui auront suggéré à Talbot le qualificatif ostentatoire. Mais dans les airs et autre chœurs, leur utilisation est pure poésie : un chalumeau sopranino pour le chant de la tourterelle qu’évoque Judith dans « Veni, veni, me squerere fida » ; une viole d’amour pour caractériser la douceur de Judith dans « Quanto magis generosa » ; quatre théorbes pour illustrer le fébrile et discret va-et-vient des serviteurs préparant le banquet dans « O servi, volate » ; une mandoline comme allégorie sonore de l’inaltérabilité de l’âme en regard de ces écrans de fumée que sont l’amour et la passion dans « Transit aetas » ; deux parties, de hautbois et d’orgue obligés très élaborés, pour traduire l’émoi d’Holopherne subjugué par la beauté de Judith dans « Noli, o cara, te adorantis » ; deux clarinettes pour décrire le vin coulant à flot pendant le banquet dans le chœur « Plena nectare non mero » ; deux flûtes à bec pour la brise nocturne dans « Umbrae carae, aurae adorate » ; et enfin, un consort complet de viola all’inglese pour soutenir la grand scène formée d’un air encadré par deux récitatifs accompagnés (les premiers accompagnato depuis le début de l’oratorio), où Judith est littéralement transfigurée par la transe qui s’empare d’elle face à l’horreur de ce qu’elle doit accomplir pour le salut de son peuple.

Pour différentes raisons, l’Ensemble Caprice n’a malheureusement pu réunir tout cet instrumentarium. Lors de la création, les filles de la Pièta passaient probablement d’un instrument à l’autre selon les besoins ; par exemple, dans la scène de transe, celles qui jouaient la famille des violons seront sans doute passées à celle des violes. Les musiciens de l’ensemble Caprice n’ont pas tous cette faculté et engager un consort de violes pour jouer une dizaine de minutes à la fin d’une œuvre qui fait près de trois heures aurait sans doute augmenter les coûts de manière d’autant plus indue que la famille des violons peut très bien créer le contraste voulu en jouant avec sourdines. Même chose pour les clarinettes dans le chœur à boire, où les flûtes à bec faisaient tout à fait l’affaire. Des quatre théorbes, il n’y en avait qu’un (qui jouait aussi la partie de mandoline – excellent David Jacques soit dit en passant), les autres furent adéquatement remplacés par le  jeu de luth du clavecin et des pizzicati de violons. Quant au chalumeau, annoncé dans le programme, l’ensemble Caprice aura joué de malchance, un dégât d’eau chez le soliste à quelques jours du concert ayant abîmé son rare instrument. Il fut par contre remplacé de manière admirable par Sophie Larivière qui aura pour ce faire délaisser sa flûte à bec pour une flûte traversière. À part quelques problèmes d’intonation dans la partie de continuo, l’orchestre a dans l’ensemble d’une tenue exemplaire et du début à la fin a  joué avec une fougue et une énergie contagieuse. Et, contrairement à d’autres occasion, son chef a su maîtriser sa tendance à prendre des tempi trop souvent excessifs. Dans sa Juditha, tous les tempi étaient adéquats pour chacun des airs, y compris la soudaine accélération dans la reprise du da capo dans l’un des derniers airs.

Les voix maintenant. Matthias Maute aura pris une bonne décision en éliminant le personnage secondaire d’Ozias (alias le pape), sinon la soirée aurait peut-être souffert de longueurs, ce qui ne fut en aucun moment le cas, malgré le fait que la version écourtée ait quand même fait plus de deux heures de musique. Quant aux quatre rôles principaux, on reste pantois en pensant que tous ces airs, tantôt d’une tendresse pastorale à faire pleurer, tantôt d’une virtuosité tragique à transpercer le cœur, furent composés pour les jeunes filles de la Piéta, y compris les rôles masculins qu’à l’opéra on aurait confié à des castrats. Celles qui ont créé ces rôles devaient être, et plusieurs auditeurs de l’époque en ont témoigné, des cantatrices d’exception. Près de trois cent ans plus tard, Matthias Maute a confié ces quatre rôles à de jeunes solistes en tout début de carrière, qui ont toutes donné le meilleur d’elles-mêmes dans la pleine mesure de leurs moyens vocaux et de leurs talents scéniques. Mais toutes n’ont pas les mêmes moyens vocaux et le même talent d’actrice.

Sans être mauvaise, elle fut même des plus agréable à écouter, Maude Brunet n’a cependant pas encore ce qu’il faut pour rendre la complexité et la profondeur du personnage de Judith et plus particulièrement dans sa scène finale de transe. En fait, j’aurais plutôt vu dans ce rôle-titre Hélène Brunet, celle qui jouait sa servante, et qui dans ce rôle n’a pu donner la pleine mesure du tempérament de tragédienne qu’on sent en elle. Mais son rôle avait plusieurs beaux airs qu’elle a rendus avec une richesse de timbre et une agilité vocale qui la promettent à une belle carrière. Dans le rôle d’Holopherne, le timbre sombre et rauque de Charlotte Cumberbirch, qui a une capacité étonnante dans le grave à « poitriner » (comme on dit dans le jargon du métier) avec force et aplomb, convenait bien au rôle de ce général sanguinaire. Mais sur le plan dramatique, il y a encore du travail à faire. Quant au rôle de son intendant Vagaus, son interprète aura été pour plusieurs sans conteste la découverte de la soirée et dans son dernier air, lorsque le personnage découvre avec horreur le cadavre de son maître, elle nous aura tous, comme on dit, jeter en bas de notre chaise. Samantha Louis-Jean ; si vous ne le connaissez pas déjà, retenez ce nom. Légion sont les jeunes chanteuses qui ont de beaux timbres, qui peuvent exécuter des vocalises tout feu tout flamme ou filer à la perfection des messa di voce en commençant pianissimo même dans le suraigu ; mais rare sont celles qui ont un véritable tempérament de tragédienne, doublé de cette présence sur scène que l’on appelle le charisme. Ça, ça ne s’apprend pas. Et ça, en plus de toutes les qualités vocales d’une future grande cantatrice, Samantha Louis-Jean le possède. Et je dirais même qu’elle en est littéralement possédée et qu’elle devrait faire attention qu’un manque de contrôle de ce diable au corps ne lui casse la voix, ce qui fut prêt de se produire dans son dernier air. Comme dirait Federico Garcia Lorca, elle a le « Duende »

En guise de codetta, pour ceux qui aimeraient entendre et voir une version avec l’instrumentarium complet, je recommande à nouveau la version en HD disponible sur Youtube avec l’Orchestre Baroque de Venise captée en 2009 au Concertgebow d’Amsterdam, avec, justement dans le rôle de Vagaus, notre Karina Gauvin nationale… et internationale. Il peut être visionné en cliquant ici. Comme les sous-titres sont en hollandais, je joins ci-dessous un livret latin-français que je m’étais concocté pour le concert à partir d’une version en quatre langues trouvée sur Internet, livret dans lequel j’ai indiqué les instruments obligés selon les airs.  Ce livret est accessible ici.

Enfin, pour ceux qui se demande ce que peut bien vouloir veut dire « Duende », je ne saurait trop recommander la lecture de Théorie et jeu du Duende (Paris, Allia, 2008, 63 p.) une conférence d’une poésie à couper le souffle de Garcia Lorca, sur ce démon intérieur qui permet de distinguer les véritables maîtres des virtuoses sans substances, de ce qu’on appelle là-bas, au pays du flamenco, le cante jondo, le chant profond.

À l’émission L’opéra…. le dimanche aussi ! du dimanche 26 janvier 2014, mon co-animateur Justin Bernard et moi-même proposerons en première partie un entretien avec le baryton Vincent Ranallo et le pianiste Matthieu Fortin en prévision du récital qu’ils présenteront à la Chapelle historique du Bon-Pasteur le 7 février 2014. Nous ferons entendre des mélodies tirées du cycle O Mensch ! du compositeur français Pascal Dusapin qui seront interprétées lors de ce récital. En deuxième partie et pour souligner la présentation par Opera McGill de l’opéra A Midsummer Night’s Dream, nous ferons entendre des extraits de l’opéra de Benjamin Britten dans un enregistrement avec le London Symphony Orchestra dirigé par Colin Davis. Je vous rappelle que vous pouvez syntoniser cette émission en « ondes radio » à Montréal (91,3 FM), Rimouski (104,1 FM), Sherbrooke (100,3 FM), Trois-Rivières (89,9 FM)?et Victoriaville (89,3 FM). Elle peut également être écoutée en direct sur le site électronique de Radio Ville-Marie à l’adresse http://www.radiovm.com.

L’animatrice Sylvia L’Écuyer diffusera l’émission Place à l’opéra 2.0 en direct de la Place des Arts de Montréal en ce samedi 25 janvier 2014 et radiodiffusera la production par Metropolitan Opera de New york de L’Elisir d’Amore de Gaetano Donizetti. La distribution comprend Anna Netrebko (Adina), Anne-Carolyn Bird, soprano (Gianetta), Ramon Vargas, ténor (Nemorino), Nicola Alaimo, baryton-basse (Sergeant Belcore) et Erwin Schrott, baryton basse (Docteur Dulcamara). LeChœur et l’Orchestre du Metropolitan Opera sera sous la direction de Maurizio Benini. Après l’opéra, l’animatrice fera un retour sur la première de la production de Rusalka au Metropolitan Opera dirigé avec Yannick Nézet-Séguin et s’entretiendra avec la soprano Marianne Fiset qui est la doublure de Mimi dans La Bohème au même Metropolitan Opera. Elle proposera également une entrevue avec la soprano canadienne Measha Brueggergosman qui incarne Bess dans la toute première production de l’opéra Porgy and Bess de George Gerschwin à l’Opéra de Montréal. Sylvia L’Écuyer parlera également avec Annnie Saumier, la directrice des concerts et de la publicité à l’École de musique Schulich, ainsi qu’à la jeune mezzo-soprano Michaela Dickey, qui tient le rôle d’Hermia dans  A Midsummer Night’s Dream de Benjamin Britten. Pour plus d’informations sur l’émission, vous pouvez cliquer ici. Je vous rappelle que l’émission n’est diffusée que sur l’internet (www.espace.mu) le samedi de 13 h à 17 h et qu’elle est rediffusée sur Espace musique le dimanche de 19 h à 23 h.

À son émission Saturday Afternoon at the Opera de CBC-Radio 2, l’animateur Ben Heppner retransmet aussi la production de L’Elisir d’Amore de Gaetano Donizetti. La radiodiffusion sera suivie de l’émission Backstage with Ben Heppner. Je vous rappelle que ces émissions sont diffusées en « ondes radio » de 13 h à 17 h. L’émission Backstage with Ben Heppnersera reprise le dimanche 19 janvier 2014 de 10 h à 11 h.

S’agissant des projections d’opéra, le Café d’art vocal reprend des diffusions aujourd’hui et présente l’opéra Carmen dans une production du Festival de Glyndebourne de 2002 mettant en vedette la soprano suédoise Anne-Sophie van Hotter lors de sa première interprétation du rôle-titre du célèbre opéra de Georges Bizet. À l’occasion de cette projection, l’on soulignera l’implication volontaire des membres de l’équipe de programmation que sont Élisabeth Paputsakis, Normand Mondor et Bernard Côté. Ce dernier franchira le cap des 200 animations au Café d’art vocal. Il aura depuis sept ans, semaine après semaine, de septembre à juin, préparé avec soin et humour la présentation des opéras en proposant notamment des portraits du compositeur, des anecdotes sur la création des œuvres et leur trajectoire sur les scènes d’opéra, des résumés du livret ainsi que des notes sur les productions. L’événement d’aujourd’hui débutera exceptionnellement à 11 h 30. Dans le cadre de la série Opéramania, Michel Veilleux présentera Un ballo in maschera de Giuseppe Verdi dans une production du Teatro Regio de Parme de 2011. La distribution comprend Francesco Meli, Kristin Lewis, Vladimir Stoyanov, Elisabetta Fiorillo et Serena Gamberoni, La direction musicale est de Gianluigi Gelmetti et la mise en scène de Massimo Gasparon. La projection aura lieu le vendredi 31 janvier 2014 à salle Jean-Papineau-Couture (B-421) de la Faculté de musique de l’Université de Montréal à compter de 19 h 30.

Pour sa quatrième soirée lyrique de 2014, la chaîne TFO propose le dimanche 26 janvier 2014 à 20 h (en rappel le mardi 20 janvier 2014 à 00 h 30) La bohème de Giacomo Puccini. Il s’agit du film réalisé par Robert Dornheim mettant en scène Anna Netrebko dans le rôle de Mimi et Rolando Villazon dans celui de Rodolfo. Il peut aussi être visionné sur le site youtube en plusieurs parties, la première partie étant accessible en cliquant ici. Et il y a toujours la bande sonore du film paru chez Deutsche Gramophon qui, selon la maison de disques, montre que « les étincelles volent dans La Bohème ». Vous pouvez écouter des extraits de cet enregistrement en cliquant ici.


La bohème de Giacomo Puccini
TFO, 26 janvier 2014

Bonne semaine lyrique!

PS Le musicologue Guy Marchand m’a fait parvenir la note suivante au sujet du dossier du Salon urbain de la Place des Arts et je la partage avec les lecteurs et lectrices du blogue lyrique :

« Notre dossier a soudainement débloqué au cours des dernières 48 heures. […] Sans mettre un terme à toute activité au Salon Urbain les soirs de concert, nous pouvons espérer à l’avenir avoir une paix relativement acceptable.

Au cours de la conversation avec [le président-directeur général de la Société de la Place des Arts, M Marc Blondeau, je lui ait dit que sa réponse écrite [voir lettre du 22 janvier 2014 en cliquant ici] nous avait laissé des plus sceptiques, car elle ressemblait en tout point à celle qu’il nous avait faite au printemps et demeurait des plus vague.

En lui demandant des précisions, j’ai reçu l’assurance que la personne qui s’occupe de la location de la salle va dorénavant s’assurer que les soirs de concerts, non seulement de l’OSM, mais aussi des autres, les locataires ne pourraient plus faire entrer au Bar Salon une discothèque mobile avec disc-jokey et système de son assez puissant pour faire sauter tout le Centre Bell. Les fameux soirs, c’était ça le principal problème.

Et M. Blondeau m’a dit que les soirs de concert, il n’y aurait plus de partys de bureau et que, s’il y avait une activité culturelle ou sociale, comme un lancement de livre ou une activité de financement d’un organisme artistique ou autre (car je lui ai rappelé le boucan de celle des Grands Ballets Canadiens le printemps dernier), la PdA verrait à verrouiller le volume du système de son du Salon Urbain afin que, si musique il y a, ce ne soit pas plus que de la musique de fond.

Je crois qu’il faut donner le chance au coureur. Mais restons vigilant. Si jamais la disco tonitruante se reproduit, je vous suggère de vous servir de votre téléphone intelligent et de filmer votre sortie, en n’oubliant surtout pas le son.

Car, si nous devions revenir à la charge, je compte carrément convoquer tous les médias (journaux, radio et télé) à une conférence de presse, en espérant que  les signataires de la requête que vous êtes pourrez y être en grand nombre. Et j’aurai besoin d’exemples en images et en sons, car, comme le disait si bien Yvon, à la télé, y veulent pas le savoir, y veulent le voir… et pouvoir le faire voir et entendre à tous leurs auditeurs.

Mais, suite à cette conversation, j’ai le sentiment que nous n’aurons pas à pousser aussi loin. […]

Guy Marchand »

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