Le deuxième Festival d’opéra de Québec : un nouvel exploit lyrique…et une belle fin de saison estivale pour les opéraphiles du Québec de l’été lyrique au Québec

11 août 2012
(No 2012-34)


Marie-Josée Lord
Soirée lyrique à l’Agora
Festival d’opéra de Québec, 2012

En présentant leur concert d’ouverture et les deux principales productions à guichets fermés, le Festival d’opéra de Québec et sa direction ont réussi un véritable exploit « lyrique » pour la deuxième édition de l’événement lyrique qui se déroulerait dans la capitale nationale du 25 juillet au 5 août 2012. Non seulement le concert de Karina Gauvin accompagné par Les Violons du Roy de Bernard Labadie et les quatre représentations de l’opéra The Tempest de Thomas Adès dans la mise en scène de Robert Lepage ont-ils affiché complet, Nelligan a eu droit à une supplémentaire en raison de l’intérêt des mélomanes du Québec pour l’opéra romantique d’André Gagnon et Michel Tremblay. Les spectacles TangOpéra et Le jeu de Robin de Marion ainsi que les concerts de Musique en plein air et de la Brigade lyrique ont également attiré des opéraphiles en grand nombre et la direction du festival a évalué à 18 500 le nombre de mélomanes qui ont assisté aux 40 activités offerts durant l’événement.

Au lendemain de la  Soirée lyrique à l’Agora « où « […] la pluie et le vent ont eu le dernier mot », le président de l’Opéra de Québec Gaston Déry et le directeur général et artistique Grégoire Legendre ont présenté un bilan du deuxième festival. Ce dernier a d’ailleurs rendu hommage le public du deuxième festival en ces termes  : « La programmation diverse et variée, jumelée à la qualité des artistes de partout, et particulièrement des artistes québécois et canadiens de très haut niveau, a comblé les attentes du public qui a encore cette année répondu présent à l’appel. L’engouement du public, son enthousiasme et son ouverture d’esprit, font la preuve que Québec est une ville d’Opéra. Nous sommes très fiers, entre autres, d’avoir présenté à guichets fermés, en plein été, à Québec, un opéra contemporain [The Tempest] de cette envergure ».


Grégoire Legendre et Gaston Déry
Photographie : Steve Deschênes, Le Soleil, 2012
Le directeur artistique et général Grégoire Legendre et tous les membres de son équipe à l’Opéra de Québec, en particulier Fabien l’Heureux, Sophie Bernier et Hélène Hall, de même que le très dynamique président du Conseil d’administration Gaston Déry, méritent à nouveau des félicitations pour la réussite du deuxième festival.
L’élan du festival se poursuit et le défi est maintenant de réussir une troisième édition. Assurer l’excellence des deux premiers festivals aura été possible grâce à la collaboration de Robert Lepage et son équipe d’Ex-Machina. Et l’on peut penser que cette collaboration se poursuivra et que le Metropolitan Opera, dont le directeur Peter Gelb était à nouveau présent dans notre capitale nationale et a vu The Tempest avec la présidente de son Conseil d’administration Ann Ziff, sera partie prenante à une nouvelle initiative visant à présenter un opéra mis en scène par Robert Lepage en prélude à sa présentation à New York.
La pérennité et l’excellence du festival ne sauraient toutefois reposer sur les seules épaules du grand scénographe et metteur en scène québécois. J’attends avec impatience de connaître la production phare du Festival d’opéra de Québec de 2013, mais aussi de savoir si les moyens du festival lui permettront d’enrichir sa programmation. Pour que le festival se hisse au rang des événements d’importance sur la planète lyrique et deviennent un rendez-vous incontournable comme le sont les festivals de Salzbourg, d’Aix-en-Provence, de Glyndebourne, de Santa Fe ou de Glimmerglass, il importe d’offrir une programmation comportant une deuxième production majeure. Celle-ci ne pourrait-elle pas prendre la forme d’un opéra en version concert avec des artistes lyriques internationaux qui seraient susceptibles d’attirer les foules ? L’heureux ajout du concert de Karina Gauvin avec Les violons du Roy de Bernard Labadie donne une bonne idée de ce que pourrait être un opéra en version concert présenté dans la magnifique salle Raoul-Jobin du Palais-Montcalm. La production d’un opéra baroque pourrait également contribuer à enrichir la programmation. Et la présence des artistes nationaux et internationaux qui participeraient à de telles productions pourrait également être l’occasion de présenter des récitals d’envergure pendant le Festival dans cette salle Raoul-Jobin ou dans des lieux et monuments historiques qui offriraient l’intimité nécessaire à un récital de mélodies, de lieders ou de songs.
Le Festival devrait continuer d’offrir au public la possibilité d’apprivoiser une œuvre orginale dans la salle Octave-Crémazie. Si l’opéra Nelligan n’a pas fait l’unanimité de la critique cette année, le choix d’inscrire une œuvre québécoise au programme demeure judicieux. D’autres opéras québécois existent et mériteraient d’avoir leur place lors des prochaines éditions du festival. Et ses dirigeants innoveraient s’ils commandaient des opéras à des compositeurs et librettistes d’ici aux fins de leur création lors du Festival d’opéra de Québec. L’Ensemble Anonymus et son directeur Claude Bernatchez devraient à nouveau être invités à faire connaître un répertoire qui annonce la naissance de l’opéra. Le jeu de Robin et Marion qu’ils ont produit avec la collaboration de Luc Archambault s’est avéré l’un des très beaux moments du festival de 2012. L’expérience d’une Musique en plein air mérite d’être renouvelée, mais le  choix des interprètes devrait être revu si l’on veut prétendre à l’excellence. Le grand succès de La brigade lyrique justifie que les artistes de la relève soient à nouveau associés sous cette forme originale à un troisième festival. Je réitère par ailleurs la suggestion formulée l’année dernière. Pourquoi ne pas envisager d’offrir à de jeunes artistes, comme le font d’autres festivals, une occasion de formation et préparer, avec la collaboration des institutions du milieu, qu’il s’agisse du Conservatoire de musique de Québec ou de la Faculté de musique de l’Université de Laval, un atelier lyrique, voire un laboratoire lyrique si l’on voulait aussi y associer Ex Machina ?
Grégoire Legendre a maintenant démontré, deux fois plutôt qu’une, que son Festival d’opéra de Québec est susceptible de devenir l’une des grandes manifestations lyriques de notre continent et du monde.  De nouvelles pierres à l’édifice qu’il a commencé à construire seront sans doute ajoutées en 2013 pour le bonheur des lyricomanes du Québec et du monde. Bravo ! Bravi ! Bravissimi !
Pour d’autres commentaires sur la deuxième édition, lire les articles de Richard Boisvert, « Festival d’opéra de Québec: un bilan teinté d’excellence et de fierté », Le Soleil, 7 août 2012 et d’Yves Leclerc, « Festival d’opéra de Québec- Succès international », Journal de Québec, 7 août 2012.

Jessye Norman au Classik de l’Orchestre symphonique de Québec


Jessye Norman

L’Orchestre symphonique de Québec (OSQ) a reçu hier soir durant Le Classik de l’OSQ la soprano américaine Jessye Norman au Grand Théâtre de Québec. Elle y présentait un programme de musique américaine composé d’airs de Georges Gerschwin, John Williams, Thelonious Monk et Duke Ellington. L’OSQ était dirigé pour l’occasion par Rachael Worby. Je n’ai pu assister au concert, mais le critique musical Richard Boisvert du journal Le Soleil y était et livre ses impressions ce matin en introduisant ainsi son article : « Il y a de ces instants auxquels seuls de grands artistes, en certaines circonstances, peuvent se permettre de donner naissance. C’était au rappel, vendredi soir. Jessye Norman a repris Amazing Grace, un sourire extatique éclairant son visage, comme si son âme était plongée dans une paix profonde et douce. Le public dans la salle, les musiciens de l’Orchestre symphonique de Québec, la chef d’orchestre, tous, nous avons contemplé, dans un bonheur mêlé de tendresse et d’admiration, la pureté de son incantation ». Je vous invite à lire le texte intégral de l’article de Richard Boisvert, « Jessye Norman- Jusqu’à l’extase », Le Soleil, 11 août 2012.

La soprano américaine avait par ailleurs accepté de répondre aux questions du blogueur lyrique et je reproduis ci-après les réponses que m’a transmises la diva américaine :

Entrevue Jessye Norman

DT : Le programme de votre concert de Québec du 10 août 2012 annonce un programme de musique de compositeurs américains (Gerschwin, Williams, Monk et Ellington). Comment l’artiste que vous êtes et qui a parcouru le monde évalue la production musicale américaine du XXe siècle si on la compare à la musique française, italienne et allemande que vous aimez également interpréter ?

JN : L’une des raisons pour lesquelles j’aime chanter la musique des compositeurs américains est la beauté et l’émotion pures de leurs mélodies. Elles peuvent facilement être interprétées seules, comme des airs d’un opera européen. Ces compositeurs furent de grands musiciens et je souhaite que les auditoires les reconnaissent comme tels avec un intérêt et un respect renouvelés pour leurs accomplissements. Je ne fais quant à moi de distinction fondée fondée sur la « grandeur » de la musique. Je reprends souvent les paroles de Duke Ellingoton selon lequel il y a seulement deux sortes de musique : la bonne musique…et la musique qui ne l’est pas. En effet, les compositeurs américains, ont produit de la bonne musique.

DT : Entre l’opéra, la mélodie, le jazz, avez-vous (ou avez-vous eu durant votre carrière) une préférence ?

JN : Je n’ai pas de préférence. J’aime tout simplement chanter et je suis aussi heureuse dans un opéra de Wagner qu’en rendant hommage Odetta [Holmes] en chantant les très nombreuses mélodies qu’elle a fait siennes ! J’ai appris il y a longtemps de ne pas m’inquiéter ou d’être préoccupé par la langue de mes auditoires. J’ai chanté à de nombreuses reprises aux États-Unis d’Amérique dans des langues européennes, et d’autres endroits où la lanue anglaise est la langue de l’auditoire. Je crois, et je suis convaincu, que les chanteurs et chanteuses, honorent leurs professions en interprétant un texte dans quelque langue que ce soit dans la mesure où en est démontrée la réelle compréhension et où la clarté de chaque mot est au rendez-vous. Dans un tel cas, les mélomanes apprécieront le sens d’une mélodie ou d’un air meme si leur langue n’est pas celle qui est chantée. Je chante la musique de très nombreux compositeurs français…et l’ai toujours fait…et je suis aussi confortable dans la musique de Fauré et Berlioz que dans celle de Bizet et de Michel Legrand. Les langues sont ma passion ! Et la langue française, je tiens à le dire, est une langue si belle.

DT : Vous allez chanter devant des mélomanes essentiellement de langue française cet été à Québec. Devant ce public, avez-vous envisagé de chanter dans cette langue que vous maitrisez bien, notamment lorsque vous chantez du Michel Legrand (qui était d’ailleurs de passage à Québec avec Les Violons du Roy ce printemps) ? Seriez-vous disposée à chanter (en rappel par exemple !) de la musique d’un compositeur ou d’une compositrice du Québec ?

JN : J’ai appris il y a longtemps de ne pas m’inquiéter ou d’être préoccupé par la langue de mes auditoires. J’ai chanté à de nombreuses reprises aux États-Unis d’Amérique dans des langues européennes, et d’autres endroits où la lanue anglaise est la langue de l’auditoire. Je crois, et je suis convaincu, que les chanteurs et chanteuses, honorent leurs professions en interprétant un texte dans quelque langue que ce soit dans la mesure où en est démontrée la réelle compréhension et où la clarté de chaque mot est au rendez-vous. Dans un tel cas, les mélomanes apprécieront le sens d’une mélodie ou d’un air meme si leur langue n’est pas celle qui est chantée. Je chante la musique de très nombreux compositeurs français…et l’ai toujours fait…et je suis aussi confortable dans la musique de Fauré et Berlioz que dans celle de Bizet et de Michel Legrand. Les langues sont ma passion ! Et la langue française, je tiens à le dire, est une langue si belle.

Je vous invite également à lire l’entrevue qu’a réalisée avec Jessye Norman la journaliste Josiane Desloges, « Jessye Norman- Divine américaine », Le Soleil, 4 août 2012.

Et s’agissant du nouveau chef de l’Orchestre symphonique de Québec, le critique musical du journal Le Devoir Christophe Huss publie ce matin un portrait intéressant sous le titre « Fabien Gabel, nouveau visage musical de Québec », Le Devoir, 11 août 2012.

La suite et la fin de l’été lyrique 2012 au Québec

Plusieurs autres concerts et récitals auront lieu aux quatre coins de notre « nation lyrique » d’ici la fin de l’été 2012.

Dans le cadre de la Virée classique de l’Orchestre symphonique de Montréal qui se déroule aujourd’hui le 11 août 2012, le Chœur de chambre de l’OSM interprétera les Madrigaux guerriers et amoureux (extraits du Huitième livre) à 11 h 30, la soprano Aline Kutan présentera un récital de Mélodies lontaines à 13 h 30, le baryton François Le Roux sera le soliste de L’Histoire du soldat d’Igor Stravinsky à 17 h 30 et la soprano Marianne Fiset chantera des lieder de Robert Schumann et des mélodies de Giacomo Puccini à 19 h. Ces événements auront lieu à la Cinquième salle de la Place des Arts et, dans le cas du récital d’Aline Kutan, au Studio Théâtre.

L’Institut canadien d’art vocal (ICAV) présente à la Faculté de musique de l’Université de Montréal plusieurs récitals et concerts durant la dernière semaine des activités de sa neuvième Festival d’art vocal. Le Concours « La voix est juste ! » aura lieu ce soir le samedi 11 août 2012 à la salle Serge-Garant et mettra en présence plusieurs des 40 stagiaires dont 13 artistes lyriques du Québec. Animée par Rainer Armbust et Rosemarie Landry, une soirée de Lieders et mélodies françaises se déroulera le lundi 13 août à 19 h 30 dans la même salle. L’opéra Les Mamelles de Tirésias de Francis Poulenc sera présenté mercredi 15 août 2012 à 19 h 30 à la salle Claude-Champagne. La direction musicale et la mise en scène ont été confiées respectivement à Paul Nader et Joshua Major. Les pianistes Marie-Ève Scarfone et Gordon Schermer accompagneront les stagiaires de l’ICAV. Deux classes de mâitre seront par ailleurs ouvertues au public et seront données par deux les sopranos Deborah Voigt (14 août 2012) et Dawn Upshaw (16 août 2012) à la salle Redpath de l’Université McGill. Un Concert-gala clôturera le Festival d’art vocal 2012 le samedi 18 août à 19 h 30 à la salle Claude Champagne.

Le Festival international du Domaine Forget présentera Les saisons de Vivaldi avec l’ensemble Les Violons du Roy dirigé par Richard Paré. Le programme comprend également des extraits d’opéras de Georg Friedrich Haendel qu’interprétera la soprano Aline Kutan. CElle-ci chanterai des airs de l’opéra Alcina, HMV 34 « Ah! Ruggiero crudel… Ombre pallide», « Ma quando tornerai di lacci avvinto il piè » et « Mi restano le lagrime, direi dell’ alma i voti » ainsi que de l’opéra Giulio Cesare in Egitto, HWV 17 « Da tempeste il legno infranto ». Ce concert aura lieu à la salle Françoys-Bernier le samedi 18 août à 20 h.

Deux récitals seront présentés dans les derniers jours du Festival d’Orford 2012, soit celui du barytonPhilip Addis, accompagné au piano par Emily Hamper, qui aura lieu le 25 août 2012 sur le thème «Music from the British Isles » et celui de la soprano Hélène Guilmettte qui présentera, avec son accompagnateur Martin Dubé, un programme de « Mélodies françaises » le dimanche 26 août 2012. Je compte assister à ce dernier récital.

Une belle fin de saison estivale attend donc les opéraphiles du Québec!

Et l’été lyrique se poursuivra également sur les ondes d’Espace avec l’émission L’opéra comme un roman. L’animatrice Sylvia L’Écuyer présentera demain le dimanche 12 août 2012 L’amour de loin de Kaija Saariaho dans une production de la Canadian Opera Company de 2012. Le livret d’Amin Maalouf est inspiré par la vie et les poèmes du troubadour français Jauffré. La distribution comprend Russell Braun, baryton (Jaufré Rudel), Erin Wall, soprano (Clémence) et Krisztina Szabò, mezzo-soprano (Le pélerin). L’Orchestre et le chœur de la Canadian Opera Company sont sous la direction de Johannes Debus.

Trois autres émissions L’opéra comme un roman sont prévues d’ici la fin de la saison estivale et Sylvia L’Écuyer y diffusera les oeuvres suivantes :

19 août 2012 : Candide de Leonard Bernstein d’après le roman de Candide de François-Marie Arouet, dit Voltaire (19 août 2012);

26 août 2012 : Telemaco Ossia L’isola de circe de Christoph Willibald Gluck et Ulisse a l’Isola de Circe de Gioseffo de Giuseppe Zamponi inspirés de L’Odyssée d’Homère;

2 septembre 2012 : La Chartreuse de Parme d’Henri Sauguet d’après le roman La Chartreuse de Parme d’Henri Beyl, dit Stendhal.

*****

Après ma couverture du Festival d’opéra de Québec, je reprends mon congé estival pour quelques semaines. Le blogue lyrique sera de retour le samedi 8 septembre 2012 avec un bilan de l’été lyrique et une présentation de la saison  2012-2013 des compagnies et artistes lyriques du Québec.

Bonne suite et fin d’été… lyrique !

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