Michèle Losier, la Charlotte de la prochaine production de Werther de l’Opéra de Montréal

15 janvier 2011
(No 2011-02)


Michèle Losier

La mezzo-soprano Michèle Losier est de retour au Québec pour chanter dans la prochaine production de Werther à l’Opéra de Montréal qui prendra l’affiche le samedi 22 janvier prochain. J’ai pu la rencontrer le 11 janvier dernier pour échanger sur l’opéra de Jules Massenet et le rôle de Charlotte qu’elle incarnera dans cette production qui a d’abord été présentée par Opera Australia dans l’enceinte du Sydney Opera House en mars 2009 et dont la reprise à Montréal s’inscrit dans un partenariat dont « L’Opéra de Montréal [sort] gagnant ». La critique australienne avait d’ailleurs dit de Michèle Losier qu’elle était une « dignified Charlotte » et avait souligné « her dark, full-bodied mezzo especially powerful in Charlotte’s third act monologue and aria (« Qui m’aurait dit la place…Va! Laisse couler mes larmes ») » (Sarah Noble, « This well executed revival of Werther displays an admirable lightness of touch », Opera Critic)

À la question, Werther, est-ce l’opéra de Werther ou de Charlotte ?, la chanteuse répond que Massenet a en effet donné une importance nettement plus grande au personnage de Charlotte que Goethe ne l’avait fait dans son roman sur Les souffrances du Jeune Werther, comme Mozart l’avait fait quant à lui pour le personnage de Susanna dans Les noces de Figaro. Elle n’est toutefois pas disposée à dire de l’œuvre de Massenet qu’elle porte sur des souffrances de Charlotte qui éclipseraient celle sde Werther, bien que le troisième acte est celui où sa tristesse doit être réelle et qu’elle doit y révéler, sans s’épancher, ses émotions les plus intimes. L’importante présence sur scène de Charlotte, les duos multiples qu’elle interprète avec Werther, les deux airs de bravoure, L’air des lettres et L’air les larmes, font par ailleurs de Charlotte la grande protoganiste de l’opéra de Massenet. En répondant à cette question, la mezzo-soprano me rappelle l’importance pour l’actrice qu’elle est de transmettre les émotions en faisant « vivre la musique ». Elle profite aussi de la discussion pour m’indiquer qu’elle devra relever ce défi dans une production montréalaise dont la mise en scène ne situe pas l’action à l’ère moderne comme c’était le cas en Australie, mais qui est plus traditionnelle dans sa facture. Pour la chanteuse « un peu puriste » qu’elle admet être, cela lui convient, d’autant qu’elle apprécie particulièrement l’élégance des costumes d’époque qui ont été conçus par les designers montréalaises Claudia et Sabrina Barilà invitées à mettre leur créativité au service de la scène lyrique et à faire de « Werther, un opéra griffé ! ».

S’agissant de ses airs préférés de l’opéra de Massenet, elle identifie deux duos de l’opéra. À la fin du premier acte, l’air Rêve, extase et bonheur, qui est interprété lorsque « [l]a nuit est venue [… et que la] lune éclaire la maison peu à peu » l’émeut. Et il en va de même de l’air du quatrième et dernier acte À cette heure suprême, je suis heureux que chante Werther après avoir entendu Charlotte lui avouer son amour :

Charlotte
(tendrement passionnée)
Et moi, Werther, et moi
(avec élan)
je t’aime!
(très émue)

Oui… du jour même où tu parus devant mes yeux…
j’ai senti qu’une chaîne impossible à briser,
nous liait tous les deux!
A l’oubli du devoir j’ai préféré ta peine,
et pour ne pas me perdre, hélas!
(dans un sanglot)
je t’ai perdu!

Pour Michèle Losier, les lignes musicales du Werther de Massenet sont enivrantes. Elles le sont pour son personnage, mais le sont tout autant pour celui de Werther, qu’il soit ténor…ou baryton! La production montréalaise fait d’ailleurs appel à la très rare version pour baryton réalisée en 1902 par Massenet aux fins d’adapter la partition pour voix plus grave et d’accommoder un baryton très célèbre à l’époque, l’Italien Mattia Battistini. Cette version alternative n’est que très rarement chantée, mais est celle à laquelle fera appel le baryton canadien Phillip Addis… avec quelques retouches du chef Jean-Marie Zeitouni qui assure la direction musicale de l’opéra. La chanteuse québécoise n’a que des éloges pour son partenaire Addis avec lequel elle a déjà chanté à l’Opéra de Montréal dans la production de L’étoile de Maurice Chabrier en 2005. Elle m’assure que sa Charlotte de Montréal ne traitera pas le baryton Addis d’une façon différente du ténor australien Aldo di Toro qui tenait le rôle de Werther à Sydney en 2009.


Aldo Di Toro et Michèle Losier

Michèle Losier est heureuse d’être de retour à Montréal. Celle qui parcourt les scènes lyriques du monde y retrouve sa famille et ses amis…qui pourront venir la voir et l’entendre chanter sur la scène de la salle Wilfrid-Pelletier. Formée à l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal et très reconnaissante de la formation qui lui a été donnée pendant son séjour dans cette belle école lyrique, elle trouve important de répondre oui à l’appel de la direction de l’Opéra de Montréal et de chanter parmi les siens.

D’autres grands rendez-vous lyriques l’attendent pour les prochains mois. Après la production montréalaise de Werther, elle chantera en mars à l’Opéra comique de Paris dans Cendrillon de Jules Massenet et y tiendra le rôle du Prince Charmant. Elle s’envolera quelques mois plus tard pour le Chili où elle interprétera au Teatro Municipal de Santiago le rôle du « Komponist » dans l’opéra Ariadne auf Naxos de Richard Strauss. Elle sera également de la distribution d’Alcina de Georg Friedrich Haendel et se retrouvera sur plusieurs scènes d’Europe avec Marc Minkowski et les Musiciens du Louvre. Elle fera également ses débuts au prestigieux Festival de Salzbourg durant l’été 2011 et participera à une production de Cosi fan Tutte de Wolfgang Amadeus Mozart. Sa saison 2011-2012 s’annonce exceptionnelle puisqu’elle fera ses débuts au Royal Opera House Covent Garden de  Londres dans le rôle de Siebel du Faust de Charles Gounod et sera Dorabella de la production de Cosi fan tutte de Wolfgang Amadeus Mozart. Elle chantera à nouveau le rôle Siebel au Metropolitan Opera à New York où elle a interprété le rôle de Diane dans Iphigénie en Tauride de Christoph Willibald Gluck en 2005. Elle incarnera également dans un proche avenir le rôle-titre dans l’opéra Médée de Luigi Cherubini au Théâtre des Champs-Élysées et celui de Dulcinée dans le Don Quichotte de Jules Massenet à l’Opéra de Nice. Et comme elle l’écrit elle-même dans un courriel reproduit sur le site d’Espace classique : « En fait, mon horaire est déjà chargé jusqu’en 2014 : Paris, Nice, Barcelone, Aix-en-Provence, Londres et d’autres qui sont en train de se préciser, sans compter la parution d’un nouveau disque. Tout cela est bien étourdissant… et bien passionnant! ».

Michèle Losier m’a également dit qu’elle prépare un nouvel enregistrement…sans pouvoir m’en révéler les détails. D’ici à sa parution, je vous invite à écouter son premier disque paru en avril 2009 sur étiquette Fuga Libera et sur lequel elle interprète l’intégrale des mélodies d’Henri Duparc. Lors de l’émission « Le mélomane » que j’anime sur les ondes de Radio Ville-Marie, je ferai d’ailleurs entendre cette intégrale demain le 16 janvier 2011 entre 13 h et 14 h. On peut syntoniser Radio Ville-Marie sur la bande FM à Montréal (95,1), Sherbrooke (110,3), Trois-Rivières (89,9), Victoriaville (89,3) et Rimouski (104,1) ou écouter en direct sur le site de la chaine à l’adresse  http://www.radiovm.com.

Le blogue lyrique, qui a déjà rapporté la participation de Michèle Losier à la création de L’Origine du compositeur québécois Gilles Tremblay dans son numéro du 13 février 2010 (No 2010-05), compte suivre cette belle carrière de Michèle Losier pour les opéraphiles d’ici. Je devrais entendre celle-ci lors de la première de Werther à la salle Wilfrid-Pelletier le samedi 22 janvier 2011 et vous présenterai mes commentaires sur la troisième production de la 31e saison de l’Opéra de Montréal…en espérant que la Charlotte de Michèle Losier n’aura sur moi « l’effet Werther » !

Note : J’ai retrouvé sur la toile une interprétation de l’Air des lettres de Werther par Maria Callas lors d’un récital à Montréal en 1974. Vous pouvez entendre « la Callas » dans cet air en cliquant ici.

MétrOpéra autour de Massenet et l’opéra français

Les stagiaires de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal se présenteront, comme c’est leur habitude avant le début de chaque production de l’Opéra de Montréal à la station de métro Berri-UQAM, pour chanter devant un public d’usagers et d’usagères du transport collectif. Ce prochain MétrOpéra aura lieu le jeudi 19 janvier à 16 h 45 et prendra la forme d’un mini-récital (environ 30 minutes) autour de Massenet et l’opéra français.

Et saviez-vous qu’il y a aussi un MétrOpéra à Paris…comme en fait foi la photographie ci-après :

Philip Sly, un baryton dont les racines sont profondément plantées à La Tuque

Dans son édition du 14 janvier 2011, le journal Le Nouvelliste de Trois-Rivières fait un portrait d’un jeune baryton Philip Sly qu’on présente comme une étoile montante dont les racines sont profondément plantées à La Tuque. L’article fait un lien avec un très beau vidéo où Philippe Sly, accompagné par l’ensemble Vocalys, chante la pièce The Train tiré  de la pièce The Holocaust Cantata- Songs from the camps du compositeur Donald McCullough. On peut également l’entendre chanter la pièce Variations sur Lili Marlène de Raymond Perrin avec la soprano Isabelle Huchette. Je vous invite à lire cet article et à visionner ces deux vidéos en cliquant ici.

Un autre rendez-vous à l’Opéra sur TFO dimanche soir

Dans le cadre de son émission Art d’œuvres, TFO présente le dimanche 16 janvier à  20 h Attila de Giuseppe Verdi. Je devine (les informations sur le site de TFO sont minimales!) qu’il s’agit de la production de 1991 du Teatro alla Scala de Milan mettant en vedette Samuel Ramey, Giorgo Zancarro, Chery Stuer et Jérôme Savara dont la direction musicale est assurée par Ricardo Muti. Vous pouvez en voir un court extrait en cliquant ici.


Attila de Giusppe Verdi

L’Opéra de samedi a radiodiffusé La Traviata de Giuseppe Verdi cet après-midi. L’opéra en trois actes chanté en italien sur livret de Francesco Maria Piave, d’après Alexandre Dumas fils La Dame aux Camélias, mettait en présence l’orchestre et les chœurs du Metropolitan Opera sous la direction de Gianandrea Noseda. La soprano Marina Poplavskaya incarnait Violetta, alors que le ténor Matthew Polenzani interprétait le rôle d’Alfredo Germont et le baryton Andrzej Dobber celui de Giorgio Germont. L’animatrice Sylvia L’Écuyer a fait appel au musicologue Michel Veilleux pour présenter les grandes Violetta du siècle et, en complément de programme, a échangé avec le directeur et metteur en scène Lotfi Mansouri au sujet de son autobiographie publié par Northeastern University Press sous le titre An Operatic Journey. Dans sa chronique d’Actualités musicales, elle s’entretiendra avec le baryton Phillip Addis qui incarnera le rôle de Werther dans la prochaine production de l’Opéra de Montréal.

Bonne semaine lyrique !

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