Powder Her Face de Thomas Ades au troisième Festival d’opéra de Québec : d’audace, de nudité…et de bravoure lyrique!

3 août 2013
(No 2013-32)


Powder Her Face
de Thomas Adès
Festival d’opéra de Québec, 2013

Le Festival d’opéra de Québec n’a pas manqué d’audace en présentant l’opéra de chambre Powder Her Face de Thomas Adès. Avant que l’écran (plutôt que le rideau) ne se lève, le public rassemblé au Capitole de Québec pour la première de cette deuxième production le jeudi 1er août 2013 était accueilli par une projection vidéo qui tenait lieu de prélude et annonçait l’atmosphère de décadence et les ébats sexuels qu’aura voulu dépeindre le librettiste Philippe Henscher. L’audace repose à la fois sur le choix d’un opéra qui aborde des thèmes susceptibles de choquer, mais aussi sur une œuvre lyrique du XXe siècle dont l’écriture musicale est moins familière aux lyricomanes de la capitale nationale. Mais avec la présentation de The Tempest du même compositeur lors de la deuxième édition du festival durant l’été 2012, Grégoire Legendre avait préparé son public à l’opéra de jeunesse d’Ades. Si quelques défections pouvaient être remarquées après l’entracte, la réception de Powder Her Face a été positive et le public a réservé un accueil gracieux aux interprètes et aux autres artisans de la production.

La réussite au Québec de cette production du New York City Opera est d’abord attribuable à la mise en scène de Jay Scheib qui a fait interagir avec doigté ses personnages sur scène, mais par l’image aussi. L’un des plus beaux moments de cette production aura été un gros plan de la duchesse réalisé en arrière-scène par lequel sont dévoilées sa beauté et son angoisse. L’on est aussi en présence d’acteurs et d’actrices dont la direction est impeccable et qui campent fort bien leurs multiples personnages. Le jeu dramatique d’Allison Cook est à cet égard exemplaire et elle relève le défi de demeurer crédible à travers les analepses (flashback) et prolepses (flashforward) autour desquelles le librettiste fait graviter l’histoire de la duchesse (qui commence et se termine en 1990, mais se déroule aussi en 1934, 1936,1953, 1955 et 1970). Fort attendue, la scène mettant en présence les multiples amants-objets de Madeleine Campbell et requerrant la nudité intégrale de ses figurants ne va pas sans susciter la curiosité. Mais ces « mâles » semblent à l’étroit sur la scène du Capitole et il faut se réjouir qu’ils n’aient été que 13…et que leur nombre n’ait pas été celui des 88 véritables partenaires adultérins de la duchesse ! L’épilogue est nettement moins réussi au plan dramatique et fait tomber l’opéra à plat…sur des mots pourtant lourds de sens : « Enough… Or to much ! ».


Alison Cook et Matt Boehler
Powder Her Face de Thomas Adès
Festival d’opéra de Québec, 2013

S’agissant des prestations vocales, Allison Cook est à la hauteur d’une partition dont les exigences semblent parfois surhumaines et qui est annonciatrice de l’écriture musicale qui caractérisera The Tempest et les prouesses tessiturales que doit accomplir Ariel. Son interprétation de l’air de la fellation durant la quatrième scène est un véritable acte de bravoure lyrique. J’ai également apprécié les performances de Nili Riemer qui incarnait, à titre principal, le rôle de la servante, et de Matt Boehler qui a donné vie aux personnages du duc d’Argyll, du juge et du gérant d’hôtel. La voix de colorature de la première impressionne et est, du début à fin, fort bien maîtrisée. Quant au deuxième, il étonne par l’étendue de son registre, particulièrement durant le monologue du juge où il fait l’apologie de l’ordre, du silence et de la Justice avec des graves aussi fermes que solides. Le ténor (et électricien) William Ferguson chantera convenablement ses airs de la première scène de l’opéra, mais la voix aura tendance à faiblir par la suite.


Nili Riemer, William Ferguson, Jon Morris et Kaneza Schaal
Powder Her Face
de Thomas Adès
Festival d’opéra de Québec, 2013

Quant à l’accompagnement musical, l’ensemble de chambre composé par de 18 instrumentistes, dont quatre avaient été recrutés parmi Les Violons du Roy, propose une lecture dynamique d’une partition qui révèle les premiers pas lyriques de Thomas Ades. La direction de Jonathan Stockhammer permet d’apprécier les couleurs orchestrales de la partition et elles ses comparent avantageusement à celles de l’Almeida ensemble dans l’enregistrement EMI Classics/BBC Recording sous la direction du compositeur Ades !

Pour deux autres compte-rendu de Powder her Face, je vous invite à lire dans les articles de Richard Boisvert, « Powder Her Face : au nom de la pudeur », Le Soleil, 2 août 2013, p. 28-29 et Christophe Huss, « Opéra- Powder Her Face amuse Québec », Le Devoir, 3 août 2013, p. C-9. Voir aussi le texte d’Yves Leclerc publié la veille de la première sous le titre « Powder Her Face- Un opéra des temps modernes », Journal de Québec, 31 juillet 2013 dans lequel sont notamment rapportées les vues de la soprano Alison Cook sur son personnage de la Dirty Duchesss.

La deuxième de Powder Her Face est prévue pour ce soir à 20 h au Capitole de Québec. Une troisième et dernière représentation clôturera le festival le lundi 5 août 2013. Vous pouvez retenir vos places par téléphone (418-694-4444) ou en ligne (www.lecapitole.com).

Deux derniers rendez-vous avec l’art lyrique sont proposés par les organisateurs du troisième Festival d’opéra de Québec. En association avec Les Grands Feux Loto-Québec, une prestation mêlant des extraits des opéras les plus connus dans un spectacle de feux d’artifices sera visible des deux rives du fleuve Saint-Laurent. Cette activité aura lieu au Vieux-Port de Québec en ce samedi 3 août  2013 à 22 h 30. L’Ensemble Quartango, la soprano Marie-Josée Lord et les danseurs argentins Roxana et Fabian Belmonte présenteront un spectacle qui unira la chaleur et la vivacité du tango à la profondeur de l’art lyrique. Cet événement aura lieu au Capitole le dimanche 4 août 2013 à 20 h.

Je vous reviendrai dans quelques jours pour faire un bilan du troisième Festival d’opéra de Québec!

Bonne fin de festival!

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