Les débats des chefs et leur impact sur la campagne

24 août 2012
(No 2012-11)

Comme je m’y étais engagé, je suis de retour en ce vendredi 24 août – et en un jour 24 de la campagne- pour vous présenter mes vues d’ensemble sur les quatre débats qui ont mis en présence les chefs de quatre formations politiques. Ces débats ont suscité un réel intérêt, le débat à quatre  diffusé par le Consortium des réseaux de télédiffusion (Radio-Canada/RDI/Télé-Québec) ayant attiré le plus grand nombre, soit 1 623 000 personnes, et les trois duels des chefs diffusé sur TVA/LCN ayant suscité, en moyenne, l’intérêt de 1 513 333 personnes. Voici les cotes d’écoute pour chacun des débats :

Débat des chefs :           1 623 000
Duel Charest-Marois : 1 448 000
Duel Charest-Legault : 1 492 000
Duel Marois-Legault : 1 600 000

Si l’on fait la moyenne des quatre débats, l’on constate que 1 540 750 ont visionné les débats. Tenant en comptant le fait que 5 893 614 (y compris les 251 électeurs et électrices hors-Québec) détiennent le droit de votre pour l’élection générale du 4 septembre 2012, il est permis de constater que 26,14 % des personnes habilitées à voter ont écouté les débats. On peut dès lors penser que les débats sont susceptibles d’avoir une influence sur un peu plus du quart de l’électorat québécois. Cette influence peut prendre de multiples formes, soit de confirmer le choix qui a été envisagé, de modifier le choix d’origine ou, s’agissant des personnes indécises, d’arrêter son choix. D’aucuns argueront aussi que les débats pourraient avoir eu comme effet d’amener des électeurs et électrices à vouloir annuler leurs votes ou à ne pas se présenter aux urnes.

Le sondage effectué auprès de 1 602 personnes par Forum Research le lendemain du débat le 20 août  2012 laisse entendre que le débat pourrait avoir eu un impact significatif sur les intentions de vote. Celui-ci révèle que le Parti libéral du Québec récolerait maintenant 35 % d’appuis, le Parti Québécois 29%, la Coalition avenir Québec 24 %, Québec solidaire 9 %, le Parti vert du Québec 2% et Option nationale 1%. Comparées aux données du sondage effectué par la même maison avant le premier débat, les performances de Jean Charest et Françoise David auraient ainsi permis à ces deux partis d’augmenter respectivement leur soutien de 4% et 3%, le Parti Québécois perdant 6% et la Coalition Avenir Québec 1 %. Il s’agirait là d’un tournant majeur, d’autant que la projection de sièges effectuée à partir de ces données laisse entendre que le Parti libéral détiendrait une majorité de 63 sièges à l’Assemblée nationale, le Parti Québécois compterait sur 48 sièges, la Coalition avenir Québec sur 11 sièges. Québec solidaire sur 2 sièges et Option nationale 1 siège. En faisant les moyennes de ses sondages et comme le révèle le tableau ci-après, Research Forum attribue un nombre un nombre relativement moins élevé de sièges au Parti libéral du Québec (58 plutôt que 63), un (1) siège de plus au Parti Québécois, cinq (5) sièges de plus à la Coalition Avenir Québec, les mêmes deux (2) sièges à Québec solidaire et aucun siège à Option nationale :


Comme l’affirme Éric Grenier dans un commentaire publié sur le site de L’Actualité sous le titre « Sondage : Les libéraux vraiment en avance ? », « il serait prudent d’attendre les résultats des prochains sondages de Léger Marketing et de CROP-La Presse avant de sauter aux conclusions ». Cela est d’autant plus juste que les trois duels TVA/LCN sont susceptibles d’avoir également eu une influence sur les intentions de vote au Québec.

Des chefs, des victoires et des défaites !

Je constate que les gens et les média ont hésité à attribuer des victoires et des défaites aux chefs qui ont participé aux quatre débats. Les grands maisons de sondage au Québec n’ont pas réalisé de sondages aux lendemains des quatre débats pour faire connaître le verdict des électeurs et électrices au sujet de ces débats. Forum Research a par ailleurs cherché à savoir qui avait remporté le premier débat et les données de son sondage du 20 août 2012 donnent les résultats suivants. Parmi les 6% des répondants qui ont vu ou entendu le débat, les chefs se classent ainsi : Françoise David (40%), Jean Charest (18 %), François Legault (9%) et Pauline Marois (8%). Selon 23 % de ces personnes, personne n’avait remporté le débat.

S’agissant des trois duels, les seules données de sondage que j’ai retrouvées sont celles diffusées sur le site Si la tendance maintient. Comme cela est illustré sur le tableau ci-après, Pauline Marois aurait remporté à la fois les premier et troisième duels contre Jean Charest et François Legault et ce dernier aurait eu le dessus sur Jean Charest lors du deuxième duel.

En dépit du fait qu’elle n’a participé qu’à l’un des quatre débats, je considère quant  moi que la gagnante de ces débats est Françoise David. Sa dignité et la clarté de son propos lui ont permis de se distinguer. Le perdant est Jean Charest car celui-ci n’a pas su défendre adéquatement son bilan et aller au-delà de sgénéralités lorsqu’il s’agissait de décrire les politiques d’un autre gouvernement libéral. Pauline Marois a tiré son épingle du jeu, mais le troisième et dernier débat avec François Legault l’a placé sur la défensive sur la question de la démarche d’accession à la souveraineté. Quant au chef de la Coalition Avenir Québec, il a défendu une approche à la fois technocratique et comptable de l’exercice du pouvoir qui pourrait plaire à une partie de l’électorat. François Legault ne m’a pas semblé satisfaire les attentes d’une population qui est à la recherche d’un chef de gouvernement ayant une vision plus globale de l’avenir du Québec. J’ai exprimé ces vues lors du débat hebdomadaire auquel je participe et organisé sous l’égide de La Presse que vous pourrez visionner en cliquant ici ou sur l’image ci-après :


Sur le style et le fond des débats

Je n’ai pas hésité quant à moi à attribuer au style empreint de dignité choisi par la présidente et co-porte parole de Québec solidaire le succès de Françoise David au débat des chefs. Je suis également d’avis que Pauline Marois a manifesté un respect pour ses adversaires et qu’elle a également véritablement cherché, comme Françoise David, à présenter le contenu de la plateforme électorale du Parti Québécois. Jean Charest et François Legault ont manifesté une agressivité qui allait bien au-delà de la nécessaire combattivité qui s’impose dans de tels débats. Ils ont été à l’origine d’interruptions qui ont rendu, à de trop nombreuses occasions, les échanges cacophoniques et inaudibles. S’il est permis de faire une comparaison, je ne peux m’empêcher de juger de façon nettement plus positive les deux derniers duels de la présidentielle française et de penser que les « face-à-face » entre d’une part, en 2007, Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy et d’autre part, en 2012, Nicolas Sarkozy et François Hollande.

Contrairement à certaines personnes, je crois que les débats auront permis de connaître les positions des diverses formations sur les grands enjeux et sur l’avenir politique et constitutionnel du Québec. S’il est vrai qu’il n’a guère été question de culture, les échanges sur plusieurs grandes questions fondamentales ont eu lieu. Ainsi, en est-il des mesures destinées à endiguer la corruption et la collusion qui ont permis de connaître les engagements des partis sur ces questions. Sur le terrain économique, il a été possible de constater que les partis avaient des approches différentes en matière de développement économique et de distribution de la richesse. Il a également été question de santé et de services sociaux et l’on peut voir émerger des consensus sur l’objectif de donner accès à la médicine familiale, mais également des divergences sur les moyens permettant d’atteindre cet objectif. S’il est vrai qu’il n’a pas été question des frais de scolarité et du financement des universités, l’enjeu du décrochage scolaire et des moyens visant à valoriser l’éducation ont donné lieu à des échanges utiles entre Jean Charest et Pauline par exemple. La question nationale n’a pas été occultée. Tant au débat des quatre chefs qu’au face-à-face Marois-Legault, il a été question de l’échéancier et des règles entourant la tenue d’un référendum sur la souveraineté, mais également des modifications constitutionnelles qui pourraient être initiées par le gouvernement du Québec.

Les débats ont été l’occasion pour les chefs d’exiger des éclaircissements de leurs adversaires ou de leur demander de rendre compte sur certaines questions…ou personnes. Le Premier ministre Jean Charest a dû défendre ses actions depuis son élection en 2003 et s’est fait notamment reprocher par François Legault de n’avoir pas respecté ses promesses en matière de santé ou de n’avoir pas livré la marchandise en matière d’économie et d’emploi. La chef du Parti Québécois a été attaquée quant à elle sur l’absence de présentation d’un cadre financier avant les débats et son refus de préciser par écrit des engagements chiffrés. Le chef du Parti libéral a également demandé au chef de la Coalition avenir Québec d’enquêter sur son candidat Jacques Duchesneau à la lumière de faits nouveaux concernant le financement de la campagne de ce dernier à la mairie de Montréal. Pauline Marois a été invitée, tant par Françoise David que par François Legault, à préciser la démarche les éléments de son programme et de sa plateforme électorale sur la démarche référendaire et a dû s’expliquer sur le caractère consultatif ou exécutoire d’un référendum qui aurait été déclenché par une initiative populaire.

Cette dernière question semble survivre aux débats et a donné lieu à plusieurs éclaircissements de la part de la chef du Parti Québécois. Je prépare une analyse sur cette question que je diffuserai dans un prochain numéro du carnet électoral. Elle fait l’objet de plusieurs commentaires déjà et je vous invite notamment  écouter l’entrevue avec Antonin-Xavier Fournier en cliquant ici ou sur l’image :

Je vous souhaite une bonne fin de semaine de campagne et serai de retour avec mon carnet au début de la semaine prochaine.

Bonne suite de campagne !