Le Rossignol et autres fables de Robert Lepage : de l’art total à l’art poétique

4 août 2011
(No 2011-32)


Julia Novikova (Le Rossignol)

En présentant au public québécois Le Rossignol et autres Fables d’Igor Stravinsky, le Festival d’opéra de Québec aura permis aux lyricomanes d’ici d’apprécier le travail de celui est devenu l’un des grands metteurs en scène d’opéra de la planète lyrique : Robert Lepage. Tout en faisant entrer l’opéra dans le XXIe siècle et en bouleversant sa hiérarchie, l’homme d’Ex Machina réussit davantage encore : il transforme l’art total qu’est l’opéra en art poétique et produit de la beauté. Sous la direction de Robert Lepage, l’opéra devient œuvre d’art et le travail fait par son équipe sur Le Rossignol et autres fables en est une lumineuse illustration.

Si Le Rossignol leur fait un peu d’ombre, les autres fables démontrent cette recherche de beauté et la dimension poétique de l’art lyrique. Cette dimension est particulièrement bien servie par le jeu exceptionnel des ombramanes qui, dans les Berceuses du chat, émerveillent et éblouissent. Robert Lepage modernise par ailleurs le langage du théâtre d’ombres dans le Renard en faisant appel à des acrobates et en créant, comme il les qualifie, des ombres blanches et des découpes miroirs. Dans Le Rossignol, l’art total et poétique est servi par les marionnettes à travers lesquelles l’histoire est racontée et auxquelles les interprètes prêtent leur voix, voire s’effacer derrière elles. L’eau est également au service de l’art et la grande piscine qui occupe de la fosse d’orchestre et dans les confins de laquelle se déploie l’action crée un atmosphère aussi enchanteur que magique.


Edgaras Montvidas (Le pêcheur)

L’art poétique de Robert Lepage est « avant toute chose » bien rendu en musique. Qu’il s’agisse du travail de Stéphane Fontaine qui interprète les trois pièces pour clarinette seule avec autant d’élégance que d’humour entre les fables, celui des chœurs de l’Opéra de Québec, en particulier son chœur de femmes, et des solistes de la production, la partition difficile et complexe d’Igor Stravinsky est rendue très accessible. Dans sa prise de rôle, la soprano russe – et lauréate du Concours Operalia de 2009- Julia Novikova incarne un rossignol dont le chant est aussi pur que cristallin. J’ai particulièrement aimé le pêcheur du ténor lithunien Edgaras Montvidas dont la chanson sera gravée dans la mémoire d’une génération d’opéraphiles du Québec. Le ténor canadien Adam Luther se démarque également dans cette production, tant dans le Renard que dans Le Rossignol, comme se distingue également Elena Semenova qui chante l’un des deux poèmes de Constantin Balmont et incarne la cuisinière dans Le Rossignol. Les choristes-solistes Carole Cyr, Judith Bouchard, Rachèle Pelletier-Tremblay et Keven Geddes, dirigés par Réal Toupin qui est également le deuxième émissaire japonais, font aussi honneur à la musique de Stravinsky. La direction musicale de Johannes Debus mérite également d’être soulignée et celle-ci est facilitée par l’Orchestre symphonique de Québec qui contribue à la réussite de la grande aventure lyrique à laquelle l’a associé le Festival d’opéra du Québec.


Adam Luther et Edgaras Montvidas dans le Renard

Le directeur général et artistique de l’Opéra de Québec, M. Grégoire Legendre, avait plus que raison d’affirmer que Le Rossignol et autres fables était l’événement-phare du premier festival. Il aura aussi et surtout offert de cette grande production à un public qui a ovationné, en un soir de première et en la salle Louis-Fréchette du Grand Théâtre de Québec, Robert Lepage, l’un des leurs, celui qui élève aujourd’hui l’opéra au rang de l’art poétique.

Il faut voir Le Rossignol et les autres fables d’Igor Stravinsky et Robert Lepage. Il faut absolument voir cette production car il s’agit, comme on cela a été souligné avec justesse par Richard Boisvert dans Le Soleil d’hier, « [L]’événement lyrique de l’année ». Il reste quelques billets, mais ce sera bientôt, je le prédis, à guichets fermés!

PS Le critique musical du journal Le Devoir, M. Christophe Huss, commente Le Rossignol et autres fables dans l’édition d’aujourd’hui dans un article intitulé « La magie la plus pure ». La Presse publie également aujourd’hui un court article sous le titre « Le Rossignol de Lepage enchante Québec ».

Le Rossignol et autres fables m’a permis de rencontrer une autre femme d’exception, la coordinatrice technique Aude Albigès, dont je partagerai avec vous les réflexions sur l’opéra et sur Robert Lepage en vous livrant le contenu des deux entretiens que j’ai eus avec elle dans le prochain numéro du présent blogue. Je compte également y commenter le concert de la série Musique en plein air que j’ai entendu à la Maison Hamel-Bruneau le mercredi 3 août. Je vous parlerai également de La brigade lyrique dont j’irai entendre les membres chanter au Parc du Campanile ce midi et qui poursuivront leurs visites de lieux publics aujourd’hui à 17 h au Domaine Maizerets ainsi que demain le vendredi 5 août au Moulin des Jésuites à 12 h et sur l’avenue Maguire à 17 h.

Bonne journée lyrique…et poétique!

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