Une soirée à l’Opéra de Beijing et Jeanne d’Arc au bûcher d’Arthur Honeggger à l’Orchestre symphonique de Montréal

25 mai 2013
(No 2013-21)


Le Centre national des arts et du spectacle de Beijing

Mes activités académiques m’amènent à Beijing en Chine et j’ai la chance de me retrouver dans la capitale chinoise pendant le Festival d’opéra de 2013 qui déroule au Centre national des arts et du spectacle dont le prestigieux dôme de titane et de verre en forme d’ellipse abrite une splendide salle d’opéra de 2398 sièges. Et de surcroît, j’y suis au moment où Placido Domingo faire courir les opéraphiles vers « L’œuf géant » en y interprétant le rôle titre de l’opéra Nabucco de Giuseppe Verdi. La performance de ce dernier a d’ailleurs été acclamée par la critique au lendemain de la première du 22 mai, comme en fait notamment foi la critique publiée dans le China Daily au lendemain de la première sous la plume de Raymond Zhou et le titre « Versatile singer leads Nabucco cast with performance of highest artistry ».


Placido Domingo (Nabucco)
Opéra de Beijing, 2013

J’ai pu assister quant à moi à la deuxième représentation du 23 mai 2013 où le rôle titre était interprété par le baryton bulgare Vladimir Stoyanov et dont la prestation a été fort appréciée par le public de Beijing. Mais c’est la soprano chinoise Hao Junhua qui s’est particulièrement distinguée dans le rôle de Fennena. Elle a démontré une agilité vocale exceptionnelle et son jeu dramatique a donné a rendu toute la complexité du personnage. Le ténor italien Ismaele Ganci a bien servi le personnage d’Ismaele et la  voixb était, le timbre velouté. L’Abigaille de la mezzo soprano Anna Pirizzo était nettement moins réussi et n’a pas su rendre son personnage crédible. Si la basse suédoise Kristin Sigmundson impressionnait par son physique imposant, sa performance vocale, caractérisée par un plafonnement dans les aigus, laissait beaucoup à désir.

La mise en scène de Gilbert Deflo était de facture traditionnelle et souffrait d’un certain statisme, que seule une très belles chorégraphie aux accents chinois est venue quelque peu dynamiser. Les décors d’Ezio Frigerio on conféré la monumentalité qui sied bien à l’opéra de Verdi et les très beaux costumes de Franca Squarciapino. Quant la direction musicale du chef Eugene Kohn, elle s’est caractérisée par une volonté d’accompagnement des solistes et a été, dans l’ensemble, respectueuse de la partition du grand compositeur italien.

Dans un commentaire intitulé « Nabucco opening night with Placido Domingo- Did the legend set an impossible standard for the NCPA? » et comme le révèle son titre, la journaliste Nancy se demande si les prochaines productions lyriques pourraient d’une qualité semblable à celle de ce Nabucco. Le blogueur lyrique voudra dès lors s’intéresser à  la vie de la compagnie d’opéra de la capitale chinoise et si Beijing réussira à se positionner parmi les grandes capitales lyriques de la planète.

Jeanne-d’Arc au bûcher d’Arthur Honegger à l’Orchestre symphonique de Montréal

Le chef Kent Nagano clôturera la saison de l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) avec le mystère lyrique Jeanne d’Arc au bûcher d’Arthur Honegger à l’occasion duquel l’on pourra entendre les sopranos Marianne Fiset (Vierge) et Hélène Guilmettey (Marguerite), la mezzo-soprano Allyson McHardy (Catherine), le ténor Pascal Charbonneau et le baryton-basse Alexandre Sylvestre. Les comédiens Carole Bouquet (Jeanne) et Guy Nadon (Frère Dominique) seront responsables de la narration. Les 150 choristes du Chœur de l’OSM et du Chœur des enfants de Montréal auront été préaparés respecitement par Andrew MeGill et Andrew Grey. Trois représentations sont prévues pour les 28 et 30 mai ainsi que le 1er juin 2013 à 19 h 30 et auront lieu, comme les autres concerts de l’OSM, à la Maison symphonique de Montréal. Une causerie pré-concert animée par Kelly Rice de l’École de musique Schulich de l’Université McGill?et ayant comme invité l’ancien directeur du Théâtre du Châtelet et de l’Opéra de Lyon Jean-Pierre Brossman aura lieu à 18 h 45.

Ne pas réussir Manon avec une grande Manon : une fin de saison décevante à l’Opéra de Montréal

Pour réussir Manon, il ne suffit d’avoir une excellente Manon et une belle affiche. La preuve en a été faite lors de la production de l’opéra de Jules Massenet qui prenait l’affiche le samedi 18 mai denier et qui clôture la saison 2012-2013 de l’Opéra de Montréal.

La performance de Mariane Fiset dans le rôle s’est avérée irréprochable et celle-ci a éloquemment démontré pourquoi elle avait conquis le public à l’Opéra national de Paris dans ce rôle l’année dernière. La voix était belle et puissante et la théâtralité exemplaire. Mais, l’art total qu’est l’opéra suppose que ses autres moyens d’expression soient au service et soutien de l’œuvre. Et s’agissant de ces autres moyens, le bât a blessé. Et cela commence avec les décors du premier et troisième acte, qui ont mal vieilli depuis leur conception par l’ancien directeur artistique de l’Opéra de Montréal Bernard Uzan, et qui sont d’une autre époque. Quant au décor du deuxième acte, le fait que la mansarde dans laquelle vivent Manon et son Chevalier des Grieux se transforme en luxueux appartement est en totale contradiction avec un livret qui laisse entendre que Manon est à la recherche d’un luxe que ne sait lui procurer son chevalier. Il est légitime de se demander qui a eu l’idée saugrenue de sortir ces décors du placard de la compagnie lyrique et qui a commis une erreur si impardonnable. Mais, il en va de même avec la mise en scène qui invite les interprètes au « park and bark » et à mettre tant l’accent sur la seule projection vocale. Et que dire de cette foule dont les déplacements créent tant de distractions et exigent que les choristes se transforment en êtres nerveux et forts à l’étroit sur la scène de la salle Wilfrid-Pelletier. Brian Deedrick ne mérite guère la note de passage pour une mise en scène qui peut, dans le cas d’un opéra comme Manon de Massenet, toute la différence.

Heureusement qu’il y avait la musique et quelques autres interprètes dignes de mention. Le chef Fabien Gabel a fort bien dirigé l’Orchestre métropolitain qui apprivoise progressivement le répertoire lyrique. Et quelques autres chanteurs de la production se sont distingués, qu’il s’agisse du ténor américain Richard Troxell qui a remplacé au pied levé le portugais sé Bruno Rebeiro dans le rôle du Chevalier des Grieux, mais aussi et surtout de Gordon Bintner qui a incarné avec assurance et humour le rôle de Lescaut. La performance d’Alain Coulombe dans le rôle du comte des Grieux a été fort réussie au plan dramatique, mais la voix ne m’a toujours semblé juste et placé.

La 33e saison de l’Opéra de Montréal qui s’achève n’aura pas marqué la vie lyrique montréalaise. Je partage à cet égard le diagnostic présenté le 21 mai 2013 par le critique musical du journal Le Devoir Christophe Huss (« Manon-L’opéra boule à mites ») et selon lequel Dead man Walking aura été la seule véritable production de haut niveau. La crise des affiches a été un révélateur d’un problème sans doute plus grand et il est temps de revoir la façon dont la compagnie lyrique montréalaise, généreusement soutenue par des institutions publiques et partenaires privés, s’acquitte de ses responsabilités de diffusion de l’art lyrique dans la métropole. Et sans doute, le temps est-il venu, comme le suggère également Christophe Huss, d’envisager la tenue d’États généraux de l’opéra  et de permettre à l’immense talent des chefs, metteurs en scène et interprètes qui font rayonner le Québec sur les grands scènes lyriques du monde, de se déployer ici et de faire de l’art lyrique, comme c’est le cas pour les arts du cirque, l’une des formes privilégiées de l’expression culturelle québécoise.

Je vous invite également à prendre connaissance de la critique de Claude Gingras publié dans La Presse du 21 mai sous le titre « Moyenne Manon ».

Le récital de la soprano Chantal Dionne à la Société Pro Musica : le pari réussi de la convivialité et de la proximité

par Justin Bernard, l’envoyé spécial du blogueur lyrique

Dans sa série Dominica, le 19 mai dernier, la Société Pro Musica accueillait la soprano Chantal Dionne pour un récital au programme ambitieux: Max Reger, Franz Liszt, Sergei Rachmaninov, Korngold, Vuillermoz et Joseph Canteloube. Ambitieux par la quantité des pièces interprétées, mais également par le déficit de notoriété chez certains de ces compositeurs. Liszt est davantage reconnu pour son répertoire pianistique, à l’instar de Rachmaninov, et Vuillermoz s’est illustré avant tout comme critique musical à l’époque des Fauré, Debussy, Ravel ou encore Poulenc. Le concert réservait donc son lot de surprises.

Accompagnée de la pianiste Louise-Andrée Baril, Chantal Dionne démontre de grandes qualités d’interprétation, mettant sa voix au service de l’expression du texte, chantant avec souplesse et justesse aussi bien dans l’aigu que dans le grave. Les premiers lieder de Max Reger, notamment le plus célèbre d’entre eux, le Mariä Wiegenlied, nous font apprécier sa maîtrise des nuances, jusque dans le pianissimo, et la délicatesse de son vibrato. Chantal Dionne témoigne d’une belle diction en allemand, une qualité qui, paradoxalement, se perd davantage en français lorsqu’elle attaque les mélodies de Liszt sur des poèmes de Victor Hugo. La virtuosité du compositeur-pianiste se traduit non seulement dans ses œuvres pour piano, mais aussi dans ses mélodies aux allures belcantistes. Chantal Dionne réussit convenablement à passer à travers les difficultés et surmonte brillamment l’épreuve des langues, alternant de l’allemand au français, en passant par le russe. Toutefois, malgré la qualité de son allemand, on peut regretter la surabondance de consonances, certes importantes, mais qui contredit la douceur du discours amoureux dans trois lieders de Korngold.

Les mélodies folkloriques de Vuillermoz et de Canteloube qui concluent le récital apportent une convivialité et nouent une proximité entre la chanteuse et son public faisant souvent défaut dans les concerts de ce genre. C’est sans compter le talent de Chantal Dione pour la scène. La soprano s’est montrée à son avantage autant comme chanteuse que comme actrice. Néanmoins, si le jeu scénique convient parfaitement à ce répertoire plus populaire, il n’en va pas de même pour des lieders. On peut déplorer un jeu parfois trop forcé, une accentuation des paroles par le geste qui n’est parfois pas nécessaire. Enfin, nous ne voudrions pas passer sous silence les quelques interventions de Chantal Dionne qui ont éclairé les auditeurs dans leur écoute, un fait assez rare pour être souligné et que l’on voudrait voir plus souvent lors d’un récital.

Un départ lyrique pour la troisième édition du Festival Classica

Je vous rappelle que la troisième édition du Festival Classica se tiendra du mercredi 29 mai au dimanche 2 juin 2013 et qu’une place de choix a été réservée à l’art lyrique. Le premier événement lyrique sera une récital ayant pour thème thème Tears of the Muse et et à l’occasion duquel le contreténor Daniel Taylor interprétera John Dowland et ses contemporains le jeudi 30 mai à 21 h, à l’église St. Augustine of Canterbury, à Saint- Bruno-de-Montarville.

L’événement Les nuits à l’opéra proposera une première projection aux festivaliers et festivalières les 31 mai 2013 à compter de 22 h 30. Celle-ci aura lieu sur écran géant au Parc du village Saint-Lambert et permettra de vivre une expérience sonore et visuelle unique.

Je parlerai des quatre autres activités lyriques, et notamment de la création de l’opéra Aben-Hamet de Théodore Dubois, qui auront lieu le 1er et 2 juin dans le prochain article de ce globe lyrique.

À L’Opéra du samedi, l’animatrice Sylvia L’Écuyer poursuit en ce 25 mai 2013 « La saison du printemps »  et présente Robert le diable de Giacomo Meyerbeer dans une production du Royal Opera House, Covent Garden. La distribution comprend Bryan Hymel, ténor (Robert), Patricia Ciofi, soprano (Isabelle), John Relyea, baryton-basse (Bertam), Marina Poplavskaya, soprano (Alice), Jean-François Borras, ténor (Raimbaut), Nicolas Courjal, basse (Alberti), Pablo Bemsch, ténor (Un héraut), Dušica Bijeli? soprano (Une servante), Jihoon Kim, basse (Un prêtre), Ashley Riches, voix (Chevalier) et David Butt Philip, voix (Maître de cérémonie). Le Chœur et l’Orchestre du Royal Opera House, Covent Garden sera sous la direction de Daniel Oren. Dans ses actualités, l’animatrcie rendra Un hommage à Henri Dutilleux qui est décédé le mercredi 22 mai à l’âge de 97 ans. Elle s’entretiendra également avec le baryton Marc Boucher qui préentera la troisième édition de son Festival Classica qui se déroulera à Saint-Lambert du 29 mai au 2 juin 2013.

À L’opéra…le dimanche aussi !, mon camarade et apprenti musicologue Justin Bernard prend ma relève pendant mon séjour en Chine et occupera les ondes de Radio ville-Marie le dimanche 26 mai à e 13 h 15 h. Pour souligner  à sa façon le bicentenaire de la naissance de deux grands compositeurs lyriques, il fera d’abord entendre les deuxième et troisième actes de Don Carlo de Giuseppe Verdi dans un enregistrement mettant en présence la basse Boris Christoff et le baryton Tito Gobbi. Et de Richard Wagner pourront être écoutés La mort de Brünnhilde tiré de l’opéra Göterdämmerung (Le crépuscule des dieux) chanté par la soprano Birgit Nilsson ainsi que l’ouverture Le voyage sur le Rhin du même opéra sous la direction de Georg Solti.

S’agissant des projections d’opéra, le Café d’art vocal présentera le samedi 25 mai 2013 à 12 h 30 le troisième et dernier acte de Götterdämmerung (Le Crépuscule des Dieux) de Richard Wagner dans une production de l’Opéra de Valence de 2009. La distribution comprend Lance Ryan, Ralf Lukas, Franz-Josf Kapellmann et Jennifer Wilson. La direction musicale est assurée par Zubin Mehta et la mise en scène est celle de Carlus Padrissa. Une reprise est prévue le mardi jeudi 30 mai à 18 h 30.

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Salutations lyriques de Chine où je compte aller voir un opéra traditionnel chinois avant mon retour au Québec le 31 mai et dont je vous parlerai dans l’article de mon blogue du 1er juin prochain

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