Le Parti québécois est-il en terrain majoritaire ?

29 août 2012
(No 2012-12)

En ce jour 29 de la campagne et à 6 jours du jour J, les jeux ne semblent pas toujours faits. Les sondages diffusés par Léger Marketing le samedi 25 août 2012 et par CROP le mardi 28 août 2012 révèlent que le Parti Québécois maintient son avance et que les intentions de vote en sa faveur sont stables à 33 %. Ils montrent une nette progression de la Coalition avenir Québec qui augmente ses appuis à 28 % dans les deux sondages. Il fait une légère baisse du Parti libéral du Québec de 27 à 26 %.  Les appuis de Québec solidaire se stabilisent à 7 % et ceux d’Option nationale et du Parti Vert du Québec augmentent de 2 à  3%. Dans l’électorat francophone, le Parti Québécois récolte respectivement 38 et 36% des appuis et la Coalition avenir Québec 31 et 30%. Le Parti libéral ne récolte plus que l’appui de 18 et 19% des francophones.

Dans sa dernière ronde de projection qui tient compte de ces deux derniers sondages et qui utilise les pourcentages nationaux (PQ 33.1, CAQ 27.5, PLQ 26.8, QS 6.6, Autres 6.0), le site electionsqc.com projette une majorité de 69 sièges pour le Parti Québécois, prédit 30 sièges au Parti libéral du Québec et 23 sièges à la Coalition avenir Québec. Québec solidaire détiendrait deux (2) sièges et Option nationale un (1) siège. Sur la base d’une moyenne pondérée des derniers sondages, le site 308.com croit que le PQ ferait élire 66 membres à l’Assemblée nationale, le PLQ 32, la CAQ 23 et Québec solidaire 2. Si la tendance se maintient prévoit que le PQ pourrait compter – avec ses 64 sièges- sur une majorité d’un (1) siège à l’Assemblée nationale, le PLQ détiendrait 30 sièges et la CAQ 29 sièges. Québec solidaire obtiendrait un deuxième siège.

Ainsi, dans les trois projections le Parti Québécois est en terrain majoritaire et détiendrait un (1), trois (3) ou 6 sièges de majorité. Cette majorité semble ainsi fragile et les derniers sondages de la campagne permettront de savoir si la progression de la Coalition avenir Québec dans les intentions de vote, et notamment dans l’électorat francophone, se poursuivra et mettra en péril la majorité du Parti Québécois et lui permettra de dépasser le Parti libéral et devenir l’Opposition officielle  l’Assemblée nationale.

Un vote par anticipation record en 2012

Comme l’a  annoncé le Directeur général des élections à l’issue du deuxième jour de vote par anticipation du lundi 27 août 2012, 919 120 électrices et électeurs ont exercé leur droit de vote à ce jour. Ce total d’électeurs correspond à 15,57 % des 5 893 614* électeurs et électrices dont les noms apparaissent sur les listes électorales avant la révision spéciale. Ce nombre  comprend les suffrages des personnes qui ont voté au bureau du directeur du scrutin les 24 et 25 août 2012, ainsi que les électrices et les électeurs ayant voté à domicile ou dans une installation d’hébergement au cours des ces mêmes journées. Les données sur la fréquentation du vote au bureau du directeur du scrutin révèlent que pour le vendredi 24 août, 13 565 électeurs y ont exercé leur droit de vote, alors que 8 331 l’on fait le samedi 25 août, pour un total de 21 896. Un tableau qui donne les taux de participation pour chacune des circonscriptions du Québec, au terme du jour 2 du vote par anticipation, est accessible sur le site  du Directeur général des élections en cliquant ici.

Il y a lieu de noter que 626 087 électeurs avaient voté par anticipation à l’issue du deuxième jour de votre par anticipation en 2008, pour un taux de participation de 10,93 %. Cela augure bien pour la suite des choses !

* Le chiffre de 5 893 614 est provisoire, puisque le nombre total des électeurs inscrits sera réévalué à la suite de la période de révision qui s’est étendue du 13 au 21 août 2012 et de la période de révision spéciale qui a débuté le 22 et se terminera le 30 août 2012. De plus, le nombre total des personnes inscrites est appelé à varier en fonction du nombre des électeurs qui seront admis à voter hors du Québec. La date limite pour présenter une demande en ce sens était le 15 août 2012. Au moment du déclenchement de l’élection le 1er août 2012, 201 électeurs étaient inscrits pour exercer leur droit de vote hors du Québec. Un tableau complet, qui présente la répartition, par circonscription, du nombre d’électeurs et d’électrices habiles à voter à ce jour est accessible sur le site du Directeur générale des élections en cliquant ici.

Le référendum d’iniatiative populaire

Comme je m’y étais engagé dans le dernier numéro du carnet électoral, j’ai préparé une analyse sur la question du référendum d’initiative populaire et vous la présente aujourd’hui sous l’angle de la genèse de l’engagement électoral du Parti Québécois en la matière. En procédant à cette analyse, j’ai également constaté que le nouveau mécanisme de l’initiative citoyenne au sein de l’Union européenne n’a pas de caractère exécutoire et que la Recall and Initiative Act de Colombie britannique susceptible d’inspirer le législateur québécois lorsqu’il s’agira de modifier la Loi sur la consultation populaire.

L’engagement visant à autoriser la tenue d’un référendum d’initiative populaire n’a pas sa source dans le Programme du Parti Québécois de 2011- Agir en toute liberté. Il tire ses origines dans les propositions formulées par deux députés du Parti Québécois. Ainsi, dans ses « 10 idées pour redonner confiance aux citoyens » et « s’attaquer au déficit démocratique »  rendues publiques le 25 août 2011, Bernard Drainville propose de « remettre une part de pouvoir ‘’ direct ‘’ entre les mains des citoyens ». Il faut, ajoute-t-il « que les Québécois détiennent un pouvoir d’initiative concret sur les décisions du gouvernement et de l’Assemblée nationale. À cet effet, je suis d’avis que l’État québécois doit disposer d’un processus de référendums d’initiative populaire. Bien entendu, cette pratique doit être bien encadrée. Mais l’essentiel demeure : il est fondamental que les Québécois aient le pouvoir d’intervenir par voie de référendum sur le cours des affaires de l’État ». Le député de Marie-Victorin précisait par ailleurs : « Comment ça fonctionnerait ? Sur toutes les questions qui relèvent de la compétence de l’Assemblée nationale ou du gouvernement, les citoyens seraient autorisés, dans un cadre défini par le Directeur général des élections, à ouvrir un registre pour demander la tenue d’un référendum, l’objectif étant d’obtenir la signature de plus de 15 % (par exemple) des électeurs inscrits. Advenant l’atteinte de ce seuil, un référendum serait automatiquement déclenché et l’ensemble des électeurs aurait à se prononcer sur la question. Le résultat du référendum aurait force de loi, et contraindrait l’Assemblée nationale ou le gouvernement à agir en fonction de la volonté populaire ». Et s’agissant de l’utilisation de ce mécanisme relativement à l’accession du Québec à son indépendance, il estimait aussi « que le référendum d’initiative populaire est la meilleure marche à suivre ».

Dans son Manifeste pour un nouvelle culture politique présenté le 7 septembre 2011, Sylvain Pagé promeut aussi les référendums d’initiative populaire en indiquant qu’ils « doivent être bien balisés et n’être déclenchés que par un appui significatif ». Le seuil de cet appui n’est pas précisé par le député de Labelle et celui-ci formule quelques questions auxquelles il dit ne pas pouvoir « répondre pour le moment ». « Peut-il annuler une politique promise par le parti gouvernemental pendant ses dernières élections? Doit-il être exécutoire? Peut-il être effectif au niveau local ou régional? ». Il ajoute : «  Le référendum d’initiative populaire doit toutefois être contraint par deux principes. En premier lieu, il ne peut affecter les droits fondamentaux des citoyens, ni remettre en cause des éléments reconnus par la constitution québécoise. En second lieu, il ne peut réduire le pouvoir de taxation de l’État ou avoir une incidence financière sur le budget du gouvernement. Ainsi, le référendum d’initiative populaire ne peut engager des fonds publics, imposer une charge aux contribuables, la remise d’une dette envers l’État ou l’aliénation des biens appartenant à ce dernier. De plus, nous croyons qu’une même question ne pourrait être reposée qu’après une période de quatre ans ». Sylvain Pagé s’intéresse par ailleurs au moment où un référendum pourrait être initié de façon populaire : « Afin de nous donner le temps d’apprécier la portée de cette nouvelle mesure fort importante dans notre vie démocratique, nous proposons que les référendums d’initiative populaire soient contraints à deux périodes spécifiques de notre calendrier politique : aux élections générales et à la mi-mandat. De plus, imposer un référendum à la mi-mandat nécessiterait un seuil minimal un peu plus élevé que lors des élections ».

Ces deux propositions donnaient le ton aux débats qui se sont déroulés lors Conseil national thématique du Parti Québécois tenu les 27, 28 et 29 janvier 2012. Le Cahier d’animation préparé pour les travaux de cette instance formulait à l’intention des délégués et délégués participant à l’atelier sur « La réforme d régime politique : les Québécois au centre des décisions » une série de questions et deux propositions sur les référendums d’initiative populaire :

Questions
Depuis plusieurs années, l’idée de permettre le référendum d’initiative populaire est soulevée. Est-il aujourd’hui pertinent de permettre la tenue de référendums à la suite d’une initiative populaire? Si oui, quelles balises doit-on retenir pour mener ces consultations?  Quel niveau de participation doit-on exiger pour la tenue d’un tel scrutin? Qui adopte la question référendaire et comment encadre-t-on le financement des campagnes des deux options en jeu?
Propositions
Un gouvernement souverainiste :
B-1) proposera de modifier la Loi sur la consultation populaire, afin d’y ajouter la possibilité de déclencher des référendums nationaux d’initiative populaire;
B-2) s’assurera que l’Assemblée nationale, en collaboration avec le DGE, consultera la population sur les modalités de la mise en place des référendums d’initiative populaire.

Au terme des délibérations du Conseil national, la proposition suivante, tel qu’il appert du Cahier final- Rapport des propositions adoptées, était entérénée :

Un gouvernement souverainiste :
13. Remplacer la proposition B-1) par :
« proposera de modifier la Loi sur la consultation populaire afin d’y ajouter la possibilité de déclencher des référendums nationaux d’initiative populaire, notamment sur la question de la souveraineté du Québec ».

Dans sa Plateforme électorale de 2012, la proposition adoptée lors du Conseil national a été précisée pour prévoir le seuil de 15% que suggérait Bernard Drainville et tenir compte des exclusions évoquées par Sylvain Pagé. Elle ne contient pas de référence explicite à la question de la souveraineté du Québec. L’engagement électoral se lit ainsi :

« Un gouvernement du Parti Québécois s’engage à « [p]ermettre la tenue de référendums nationaux d’initiative populaire à la demande d’au moins 15% des électeurs, et ce, dans le respect de la Charte des droits et libertés de la personne, de la future charte de la laïcité et de la future constitution du Québec. Toutes les questions fiscales seront exclues de ce droit d’initiative ».

Suite aux échanges lors du duel entre la chef du Parti Québécois Pauline Marois et le chef de la Coalition avenir Québec François Legault, la question du « caractère exécutoire » du référendum d’initiative populaire a été examinée de plus près. Cette question n’est pas abordée de façon explicite par l’engagement électoral du Parti Québécois. On peut interpréter le texte de l’engagement comme ne prévoyant pas un tel « caractère exécutoire » puisque l’engagement est de « permettre la tenue d’un référendum » et non pas « de tenir un référendum ». Cette formulation semble conférer une certaine marge de discrétion au gouvernement en la matière. La chef du Parti Québécois a précisé quant à elle la portée de cet engagement à quelques reprises depuis ses échanges avec François Legault et a notamment déclaré : «  « C’est sûr qu’on permet à la population d’exprimer sa voix : […] une fois que cette voix se sera exprimée, il faudra avoir de très bonnes raisons de dire non ». « Mais on pourra en avoir dans certaines circonstances et ça reste sous l’autorité de l’Assemblée nationale du Québec». Elle ajoutait qu’une de ces raisons pourrait être « l’intérêt supérieur du Québec ».

J’ai retrouvé un exemple où une initiative citoyenne n’a pas nécessairement un caractère exécutoire. Il s’agit du cas de l’initiative citoyenne prévue à l’article 11 § 4  du Traité de l’Union européenne qui prévoit que « [d]es citoyens de l’Union, au nombre d’un million au moins, ressortissants d’un nombre significatif d’États membres, peuvent prendre l’initiative d’inviter la Commission européenne, dans le cadre de ses attributions, à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu’un acte juridique de l’Union est nécessaire aux fins de l’application des traités ». Les procédures et conditions requises pour la présentation d’une telle initiative ont fixées conformément à l’article 24 § 1, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne par le Règlement (UE) No 211/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 février relatif à l’initiative citoyenne dont l’entrée en vigueur s’est produite le 1er avril 2012. L’article 10 de ce règlement prévoit en son alinéa 1 c) que lorsque la Commission européenne reçoit une initiative citoyenne, elle «  présente, dans un délai de trois mois, au moyen d’une communication, ses conclusions juridiques et politiques sur l’initiative citoyenne, l’action qu’elle compte entreprendre, le cas échéant, ainsi que les raisons qu’elle a d’entreprendre ou de ne pas entreprendre cette action ». L’initiative citoyenne n’a donc dans ce cas de caractère exécutoire.

Lorsqu’il s’agira de modifier la Loi sur la consultation populaire pour permettre la tenue de référendums nationaux d’initiative populaire, le législateur québécois pourrait vouloir s’inspirer de la législation brittano-colombienne en la matière. Entré en vigueur en 1995, le Recall and Initiative Act, RSBC 1996, c. 398 permet des « Initiative Petitions ». Ces « pétitions » ont pour but de permettre la présentation de projets de loi à l’Assemblée législative de Colombie britannique. La loi prévoit que 10 % des personnes inscrites sur la liste électorale de chacune des circonscriptions électorales doivent signer la pétition et le faire dans un délai de 90 jours. Si le seuil est atteint dans un tel délai, la législature peut décider d’examiner le projet de loi ou le transmettre au directeur général des élections aux fins d’organisation d’un référendum. Si une telle transmission a lieu, un référendum doit être organisé et l’ « initiative petititon » a, dans ce sens, un caractère exécutoire.  L’initiative est réussie si plus de 50% des personnes inscrites sur la liste électorale votent en faveur de l’initiative et si plus de 50% de ces mêmes personnes ont voté en faveur de l’initiative dans deux-tiers (2/3) des circonscriptions. À la suite d’une initiative réussie, la loi prévoit que le gouvernement doit présenter le projet de loi devant l’assemblée législative. Elle ne prévoit toutefois pas que le projet de loi doit être adopté et respecte en cela le principe voulant que la souveraineté appartient toujours au Parlement dans le régime constitutionnel de tradition parlementaire britannique qu’est celui de la Colombie britannique…mais aussi celui du Québec!

Depuis l’entrée en vigueur de cette loi, sept initiatives ont été lancées. Une seule a été couronnée de succès en 2010 et visait à mettre fin à l’harmonisation de la taxe de vente. Dans ce dernier cas, 299 611 signatures étaient requises et sur les 713 883 signatures qui avaient été recueillies 557 383 avaient été déclarées valides. Un réferendum a suivi cette initiative et s’est déroulé par la vie postale entre le 13 juin et le 5 août 2011. Celle-ci a réussi puisque le OUI l’a emporté avec 54,73% (881 198 voix) contre 45,27% (728 927 voix). Des renseignements et un tableau sur ces initiatives sont accessibles sur le site d’Elections BC en cliquant ici.

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Je continuerai de suivre avec intérêt la campagne et vous écrirai à nouveau bientôt. J’enregistrerai aussi demain une nouvelle capsule vidéo pour La Presse qui sera accessible è compter de 12 h à l’adresse http://www.lapresse.ca/videos.

Bonne suite de campagne !